Un échange avec une lectrice m’a donné l’idée d’écrire cet article: puisque que j’ai passé une partie de ma vie à enseigner la chirurgie, et puisque les jeunes praticiens du monde entier continuent à me faire l’honneur de me demander des conseils…je continue…tant que je ne suis pas sénile, enfin je crois!!!
Comment préparer une intervention?
– préparer psychologiquement le patient: voir ICI
– prévoir une prémédication adaptée à chaque cas (voir: ICI)
– Préparer l’instrumentation nécessaire pour une intervention donnée: avoir des boites prêtes pour chaque type de chirurgie. Tous les instruments d’une même boite doivent être marqués avec une bague thermo- rétractable de même couleur. Ainsi, si l’on ouvre une boite complémentaire, après nettoyage, les instruments retrouveront leur place dans chaque boite. S’il y a plusieurs boites aux mêmes usages, les instruments porteront des bagues de même couleur: 1 bague, 2 bague,s 3 bagues …etc…
– s’assurer que l’aide opératoire sait ce qu’on va faire et connait son rôle correctement. La plupart des mauvaises suites post opératoires sont dues aux écarteurs mal adaptés ou mal utilisés, qui provoquent des déchirures et de gros hématomes.
– étudier préalablement toute l’imagerie disponible et l’afficher bien clairement à la vue de l’opérateur.
– préparer le mode opératoire, et la voie d’accès.
– bien caler la tête du patient pour qu’elle ne roule pas sans arrêt sur le côté et s’assurer, si le patient a des problèmes cervicaux, qu’il soit confortablement installé: inutile de rajouter un torticolis aux suites post-opératoires.
– Poser une cale en V en caoutchouc sur laquelle le patient mord, c’est beaucoup moins fatiguant que de maintenir la bouche ouverte, et ça évite de répéter sans arrêt au patient « ouvrez grand! ».
-régler correctement l’éclairage et prévoir un éclairage frontal pour y voir clair. Prévoir aussi une loupe frontale si nécessaire.
– se protéger des éclaboussures dans les yeux et sur les lunettes.
La voie d’accès
Il faut choisir la voie la plus courte et la plus rapide, mais il faut tenir compte de la visibilité de l’opérateur, et du confort du patient, et de la quantité de tissu à éliminer pour arriver à l’objectif opératoire. Et surtout tenir compte des obstacles anatomiques tels que cavités (sinus), nerfs (nerf mandibulaire, nerf lingual, nerf facial) et gros vaisseaux (artère faciale).
Le tracé d’incision (voir: ICI)
C’est à mon avis le plus important car déterminant pour les suites post-opératoires. Les débutants font toujours l’erreur d’ouvrir trop petit et trop près de l’objectif, par peur. Si bien que le lambeau, trop petit, ne tient pas sur l’écarteur, qu’il se déchire et se prend dans la fraise. Ils ne voient pas l’objectif et font trop de dégâts en le cherchant, parfois là où il ne se trouve pas!.
Il faut ouvrir grand pour y voir clair. Les traits d’incision doivent être loin de la voie d’accès pour ne pas que les sutures se retrouvent au dessus d’un trou dans lequel vont s’effondrer les berges de la plaie en arrachant les sutures, mais au dessus de tissus sains qui les soutiennent.
Les lambeaux à angles sont préférables aux arrondis car l’angle sert de repère au moment du repositionnement et des sutures.
Une fois le lambeau récliné, prendre le temps d’électro-coaguler tous les vaisseaux qui saignent pour ne pas être noyé dans le sang pendant toute l’intervention. Je pense que maintenant ça se fait peut être au laser.
Le fractionnement
Il est préférable de fractionner au maximum une dent incluse pour sortir les morceaux par une plus petite cavité plutôt qu’une perte osseuse béante.
Les sutures
Pour les chirurgiens inexpérimentés, il est préférable d’utiliser des sutures non résorbables pour être obligé de revoir le patient au bout de 10 jours pour le retrait des fils et pouvoir évaluer la qualité de la cicatrisation et des suites post-opératoires. Et faire les correctifs en conséquence…
Il faut faire des triples nœuds pour que les points ne lâchent pas.
Attention de ne pas raccourcir trop le vestibule ou la joue, c’est très inconfortable pour le patient et ça crée des brides cicatricielles.
N’oubliez pas de préciser au patient si le fil est résorbable ou pas et, le cas échéant son temps de résorption.
Les conseils post- opératoires
Les conseils post opératoires sont d’une importance capitale pour le confort des patients et pour qu’ils se sentent pris en charge, et tout particulièrement pour la prévention des alvéolites (voir: ICI)
Je recommande vivement la remise d’un imprimé explicatif (car le patient est un peu abasourdi), de quelques compresses stériles et d’un petit sachet congelé à poser sur la joue dès la fin de l’intervention.
La médication post-opératoire ( voir ICI)
Une grande quantité de produits nouveaux sont sortis ces dernières années.
Tirez profits de vos échecs: c’est le meilleur enseignement qui soit. Mais, si vous le pouvez, tirez plutôt profit des conseils de vos aînés, cela évitera des désagréments à vos patients.
Que de judicieux conseils, je peux dire que j’ai vu des choses pour le moins « étranges » chez les dentistes. Une sans gants, pas d’assistante, ou alors qui se trompe de colle pour un bridge provisoire, trop tard c’est fait, et pour le retirer pas un moment de plaisir…..des ordinateurs avec les radios à l’autre bout de la pièce, des instruments pas à portée de mains. Pas de lampe frontal (rarement vu juste 2 fois, idem pour loupe)
Concernant la cale en V jamais vu, et je peux dire qu’ayant eu des soins parfois de plus d’une heure c’est très inconfortable et bien évidemment la phrase « ouvrez grand la bouche », en plus pour les personnes qui comme moi ont un problème de mâchoires c’est encore mieux……
J’espère que les nouveaux praticiens vous lirons et tiendront compte de vos conseils, pour le bien-être des patients et aussi pour eux un gain de temps, des conditions optimales pour des gestes raisonnés et efficaces, afin de minimiser les éventuelles problèmes voir même ne pas en avoir du tout.
Attention Monsieur, « conseils aux débutants », ils ont un ego gros comme ça vous savez!
Puisse une poignée d’entre eux épargnée par la cupidité vous entendre.
Mon oncle était dentiste et je dois dire que sa façon de travailler n’avait vraiment rien à voir avec ce qu’on voit aujourd’hui. Les CV non plus d’ailleurs. Mais c’est la vie, le monde change, et l’éthique avec.
Mon raisonnement va paraître subjectif, mais à mon humble avis, quand le praticien est jeune, c’est moins bon, voir dangereux. Il faudrait rechercher l’année où ils ont supprimer un programme ou obligation dans l’enseignement.
C’est la même chose en pâtisserie par exemple, depuis qu’on ne forme plus de toureurs, on bouffe – globalement – des croissants de merde.
Bravo pour votre démarche et pour votre intégrité conservée Dr Hauteville.
Humainement