« Les canines, dents clefs de l’arcade dentaire ». J’ai cette phrase dans la tête depuis un moment, et j’ai du mal à trouver les bons mots pour vous transmettre ce que je voudrais vous faire comprendre. En fait, une fidèle lectrice m’a envoyé l’autre jour une radio pour des caries que son dentiste est en train de lui soigner, et moi qui suis un peu genre professeur Nimbus, je lui ai dit: « votre vrai problème est qu’on vous a extrait très tôt la canine supérieure gauche et les deux premières molaires inférieures, et que personne n’a l’air de s’en soucier! ». Le mot « canine » à fait tilt dans ma tête!
Peut être que vu ma formation médicale, mon optique universitaire et aussi tout simplement parce que la dentisterie m’ennuie, j’ai pris du recul, et je vois les choses d’une façon plus globale.
C’est vrai qu’il y a 40 ans on extrayait froidement une canine et on laissait la prémolaire prendre sa place. Ou bien s’il y avait une agénésie d’incisives latérales, ce qui arrive relativement souvent, on poussait les canines à la place et on les retaillait pour leur donner une forme d’incisive.
Maintenant, nous savons QU’ON NE PEUT ABSOLUMENT PAS FAIRE CA!
Je vais essayer de vous expliquer pourquoi, j’espère que je vais arriver à être clair. Excusez moi si je développe trop le sujet, comme google est en train de m’oublier, j’ai envie de montrer ce que je sais faire.
Oui! Je sais, je vous rase avec mon anatomie! Mais on ne se refait pas, surtout à mon âge! J’ai eu une formation cartésienne, je ne peux pas faire autrement.
Les canines sont presque toujours les dernières dents qui persistent sur l’arcade en cas d’édentation. Pourquoi? Tout simplement parce que ce sont les plus solides, ce sont les dents qui ont les racines les plus longues.
Leur nom évoque le chien, la race canine, les carnassiers. Ce sont elles qui se développent et dépassent chez les sangliers, et elles qui forment les défenses des éléphants.
De plus, elles occupent une position d’angle dans les arcades dentaires, et sont les dernières à garder un contact occlusal antagoniste en position de latéralité. Nous appelons ça « la protection canine »: elles protègent les autres dents!
Les positions de latéralité droite et gauche sont définies par le contact pointe à pointe des canines haut et bas. Les canines sont les guides de l’occlusion, ce sont les dents clefs des arcades dentaires. On appelle les contacts canine-à-canine « la protection canine ». Il arrive qu’en latéralité la canine touche en même temps que les prémolaires: cela s’appelle: « protection de groupe ». Cette fonction de protection est dite « fonction canine ».
L’absence de canine peut créer des lyses alvéolaires graves sur les dents les plus fragiles comme les prémolaires et incisives latérales supérieures.
Pour la contention, on ne peut faire aucune immobilisation des dents sans inclure les canines. En effet, la mobilité des dents se repartit en 3 groupes: les incisive d’avant en arrière, le canines à 45°, et les prémolaires-molaire de droite à gauche.
Pour une immobilisation réelle, il faut immobiliser deux groupes différents ensemble, ce qui inclut obligatoirement les canines.
Il est donc primordial de sauvegarder à tous prix les canines. Et il est important qu’elles soient à leur place, il ne faut pas les positionner à la place d’une prémolaire ou d’une incisive.
Il est très important de diagnostiquer très tôt les anomalies d’évolution des canines, afin de mettre en oeuvre un traitement orthodontique pour les guider à leur place naturelle. La chirurgie de dégagement ou de pose d’ancrages pour traction trouve ici une indication de choix. Si on s’y prend à temps on peut presque toujours guider une canine pour qu’elle évolue, quitte à sacrifier une prémolaire. Donc: plus d’extraction de canine incluse.
La forme de la canine fait qu’elle retient moins la plaque bactérienne que les autres dents, puisque ne présentant pratiquement pas de sillons: elle est donc moins sujette aux caries. Son architecture conoïde, et sa longue racine implantée jusqu’à la base du nez, lui confèrent une résistance particulière.
Pour toutes ces raisons, les canines sont souvent les dernières présentes sur l’arcade en cas d’édentation!
Grâce aux implants, on n’est plus obligé de mutiler des canines pour servir de piliers à des bridges.
Dans l’inconscient collectif, la canine a toujours eu une place particulière avec le vampirisme.
Les canines incluses
Le développement des techniques d’imagerie dentaire ont beaucoup contribué à la détection précoce des dent incluses: dès l’age de 11/13 ans on peut savoir si une canine va poser des problèmes pour se mettre en place, de façon à privilégier la mise à sa place plutôt que l’extraction.
Mise on place chirurgico-orthodontique d’une canine incluse.
Les canines ont d’autant plus de mal à se positionner qu’elles évoluent tardivement, vers 11 ans, après les incisives et les prémolaires, d’où la fréquence de canines incluses ou retenues ou en malposition. Les canines retenues peuvent être unilatérales ou bilatérales, et touchent plus souvent l’arcade supérieure que l’arcade inférieure. La canine peut alors se trouver en position palatine, intermédiaire ou vestibulaire.
La voie d’abord chirurgicale sera palatine ou vestibulaire selon la position de la dent. Pour la position intermédiaire, on choisira
l’abord qui semble le plus proche.
L’abord palatin se fait par décollement de la muqueuse palatine en incisant le long des collets des dent et en décollant à la rugine, ou au syndesmotome faucille, la muqueuse palatine de l’os, avec le périoste, de la canine du côté opposé aux molaires du côté concerné, afin d’éviter une incision en travers du palais qui pose toujours des problèmes de cicatrisation. Au cas où il y a deux canines incluses à dégager, on incise de molaire à molaire et on décolle toute la muqueuse palatine.
La couronne de la dent incluse une fois dégagée à la fraise à os
sera mordancée à l’acide citrique et parfaitement séchée pour recevoir le collage d’un ancrage avec une colle époxy, lequel ancrage portera un fil métallique torsadé terminé en anneau pour que l’orthodontiste puisse y amarrer sa traction. Il semblerait que le laser soit actuellement très efficace pour avoir une bonne hémostase.
Une fois le collage réalisé on rabat la muqueuse palatine et on procède à des sutures interdentaires, en laissant dépasser le toron de fil métallique qui servira à la traction.
Quand la canine est trop haute ou trop difficile d’accès pour le collage, il faut se résoudre à poser un ancrage vissé. Il est préférable d’en avoir toujours en réserve ainsi que le forêt spécial et le petit tournevis qui sert à les visser.
L’abord vestibulaire est un peu différent dans la mesure où nous avons appris à ne pas perdre de gencive attachée, et donc à reporter celle-ci au collet de la dent retenue de façon à ce qu’elle suive la dent dans sa trajectoire et vienne se positionner en même temps qu’elle.
La résection osseuse se fait toujours à la fraise à os et l’ancrage est posé par la même technique sur la face vestibulaire de la dent.
Le lambeau est repositionné plus haut de façon à adhérer au collet de la dent et à descendre avec elle comme on tire un store (VAN ARSDALE).
Cette chirurgie à but orthopédique a fait faire beaucoup de progrès pour la récupération des canines retenues avec un souci du respect des différents éléments de la gencive en prévention des problèmes parodontaux que nous avons connu auparavant.
Pour les canines intermédiaires, il faudra choisir le meilleur des deux abords en fonction de la position de la dent et de direction dans laquelle on voudra la tracter.
Pour les canines inférieures la voie d’abord sera toujours vestibulaire pour ne pas prendre le risque de léser le nerf lingual.
Extraction des canines incluses.
Nous avons vu précédement comment remettre sur l’arcade par des procédés chirurgico-orthodontiques les canines incluses non enclavées. Malheureusement dans un certain nombre de cas, la pointe de la canine est engagée sous les incisives et il est impossible de tracter la dent qui reste bloquée sans possibilité de recul.
Il faudra donc se résoudre à extraire la dent incluse et le plus difficile sera de ne pas endommager les racines des incisives sous lesquelles se trouve coincée la pointe cuspidienne de la canine.
La technique d’ouverture de la muqueuse palatine est la même que pour poser l’ancrage, mais la finalité n’est plus la même puisque nous sommes dans l’obligation de sacrifier la canine. La priorité cette fois-ci sera de sauvegarder l’intégrité des racines des incisives contre lesquelles elle est souvent collée et même parfois imbriquées.
Le lambeau muqueux palatin sera le même que la pose d’un ancrage mais un peu plus large pour une meilleure accessibilité.. La résection osseuse à la fraise à os se fait au niveau du collet de la dent incluse en laissant une marge de jeu autour de la racine, avec des fraises à os.
La dent incluse est alors sectionnée en deux passages à la turbine avec une fraise ZEKRIA, de façon à délimiter 3 tronçons.
Le tronçon central est extrait, il ne restera plus qu’a tirer la partie coronaire en arrière et à l’expulser, puis à pousser la partie radiculaire en avant et à l’extraire.
Après parage de la plaie, la fermeture et la suture du lambeau sera la même que pour la pose d’ancrage.
Pour les canines inférieures l’abord se fait préférentiellement du coté vestibulaire.
Si la position est très linguale on abordera en lingual en évitant les traits d’incision verticaux qui peuvent sectionner le nerf lingual qui à ce niveau là est déjà très divisé.
Les canines ont un grand sens symbolique et jouent un rôle important dans l’inconscient collectif.
Bonjour,
depuis trois ans je suis assez régulièrement votre blog… et je tenais à vous remercier.
En 2015, quand après un blocage de 20 ans (oui, oui :o) et une situation qui s’est empirée jusqu’à m’empêcher de me nourrir normalement j’ai remis mes pieds dans un cabinet dentaire, c’est aussi grace à votre blog que j’ai réussi.
J’ai tout eu: soins, extractions, implants, … heureusement que j’ai eu la chance d’avoir un médecin très compréhensif, à l’écoute de ma « folie ». Un peu comme vous , on m’expliquait tout: j’avais besoin de savoir. En rentrant du cabinet, je cherchais encore plus des informations: connaitre plus me donnait du courage, la force de continuer jusqu’au bout.
Après 2 séances, j’allais presque avec joie car enfin j’allais être soigné, je n’étais plus seule avec la peur et la douleur. C’était un immense soulagement: moi qui était arrivé à ne plus pouvoir regarder un pub de dentifrice, encore moins de parler sujet « dents » même avec les plus proches, je n’arrêtais plus d’en parler… Peut-être ça ferait un sujet à aborder 😉 – le blocage au-delà du rationnel…
Depuis, tout est rentrée dans la normalité, même si prendre rendez-vous pour un contrôle est toujours un hop à passer.
Donc, je reviens au départ de mon courriel; en recevant votre article aujourd’hui Dr Hauteville, je fais ce que je voulais déjà faire il y a presque 3 ans: vous dire merci. Pour vos articles, pour leur caractère à la fois scientifique et compréhensibles pour les non-spécialistes.
Merci pour votre témoignage qui me met « du beaume au coeur », surtout en ce moment où google me boude!!!
Bonjour cher monsieur, Après lecture de votre article, je regrette de ne pas vous avoir connu plus tôt. J aurais réfléchi 3 fois avant de prendre des décisions et de répondre à des propositions de dentiste ! merci encore pour vos articles très intéressants.
Bonjour Dr
Votre article sur les canines a attiré mon attention et m’a beaucoup intéressé.
Mon problème remonte à quelques année environ 53…
Ma canine supérieure droite la 13 je pense me posait quelques problèmes, c’était pendant mon service militaire, j’étais jeune et bien loin de mes parents qui m’auraient surement mieux conseillé.
Le « dentiste » militaire a eu la bonne idée, cette dent vous gêne ? Je l’enlève ! Ce qui fut dit fut fait…
Sauf que quelques temps après à l’issue du service militaire je consulte dans le civil car j’avais un magnifique trou dans ma dentition.
Je lui explique ce qui s’était passé, il n’a pas manqué d’ouvrir des grands yeux …
Le dentiste : « Bon on va voir ce qu’on peut faire »
Il prend une première radio: Ben non…vous avez une canine incluse
Non non Dr ma canine a bien été extraite au cours de mon SM
Il regarde de plus près: « Je ne comprends pas, effectivement votre dent est incomplète, il n’y a que la racine cassée »
L’autre « charlot » (excusez l’expression) n’avait pas extrait la dent, il s’était contenté de la casser (probablement sans le faire exprès tout de même), enlever ce qui voulait bien venir et laisser la racine, du beau bouleau hein ! Et surtout ne rien me dire.
Comme mes dents 14 et 15 étaient à couronner le dentiste en a profité pour me faire un bridge incluant la canine manquante et…tout va très bien.
C’est un petit roman. Et finalement je plains le pauvre « aspirant » qui a effectué son service militaire dans ces conditions ce n’était surement pas rien de devoir faire tout avec rien.
J’ai été aussi aspirant et dentiste militaire, mais je ne pense pas m’être comporté comme cela!…bien qu’à l’époque je ne me doutais absolument pas de l’importance des canines!
Bonjour,
Tout d’abord je tiens à vous remercier pour toutes les connaissances que vous avez et que vous partagez sur ce site avec le grand public.
Je me permets ce commentaire car je voudrais savoir s’il est possible qu’une incisive (nomenclature n°12) puisse descendre à l’âge adulte si on lui fait de la place? Et si non, est t il encore possible de l’aider à faire sa place?
Agée de 30 ans et avec une maloclusion dentaire et de problèmes de dos (hernie et paresthésie sûrement due en partie à ma mâchoire) je vous suis très reconnaissante de lire que vous faites beaucoup de préventions auprès de vos patients et notamment les jeunes et les parents.
Mon incisive n’est pas incluse mais on m’a toujours dit que c’est un « grain de riz génétique » or, j’ai l’impression qu’avec nos connaissances actuelles il est possible de régler ce genre de problème au moment de la croissance mais j’espère toujours que cela soit possible. Qu’en est t il?
Je vis à Saint Brieuc ainsi si vous connaissez des thérapeutes et dentiste aussi bienveillant que vous je vous prie de bien vouloir me transmettre leurs coordonnées.
Bien à vous.
Pour que je puisse vous aider vraiment, il vaut mieux m’envoyer une radio panoramique sur « dr.h@conseildentaire.com » avec votre question résumée. Je vous dirai quelles sont les différentes solutions possible en fonction de ce que je verrai.
Bonjour docteur,
Notre fille de 15 ans a 2 canines inscluses en haut dont une qui a déjà bien abîmer la racine de l’incisive d’à coter, la mâchoire étant trop étroite, l’orthodontiste veut arracher les deux incisives et les remplacer par les canines, les taillant etc pour leur donner une forme d’incisive, qu’en pensez vous, auriez vous un conseil à nous donner svp, nous sommes très soucieux à l’idée de lui faire arracher 2dents de devant, merci d’avance
Comme vous l’avez lu dans l’article, je suis tout à fait contre le déplacement des canines.
Envoyez moi sur « dr.h@conseildentaire.com » une radio panoramique récente.