La mandibule est très richement innervée et le risque opératoire de lésion d’un nerf doit être bien pesé avant de se lancer dans une intervention chirurgicale, car il y a des moyens de se protéger.
Quand j’ai écrit un article sur l’extraction de la dent de sagesse inférieure incluse horizontale (voir: ICI), j’étais loin de me douter du vent de panique qui souffle sur les praticiens et les patients en ce qui concerne les lésions des nerfs de la mandibule.
Je pense qu’il y a deux raisons à cela:
– 1 Les obligations légales d’information des patients, qui obligent le praticien à détailler le moindre risque, comme dans les notices des médicaments vendus en pharmacie (choc anaphylactique…mort subite!!!…etc…) .
– 2 Les forums sur internet, où comme pour tout, seuls les personnes qui ont des problèmes viennent en débattre, alors que celles qui n’en ont pas ne ressentent pas la nécessité de venir en parler!
Les risques existent, mais il ne sont pas généralisés, il ne sont pas incontournables, et ils ne sont pas si fréquents que cela.
Je vais donc essayer de faire le point sur ce problème.
Nous allons reprendre une vieille habitude, et nous allons commencer par rappeler l’anatomie de la mandibule et de ses nerfs.
Voyons comment est innervée la mandibule: Toutes les branches sont issues du trijumeau et sont exclusivement sensitives.
1- nerf auriculo-temporal
2- nerf mandibulaire
3- nerf lingual
4- corde du tympan
5- foramen mandibulaire
6- épine de Spyx
7- trou mentonnier
8-9- nerf mentonnier et ramifications
10- ganglion de Gasser
11- nerf buccal
Attirons l’attention sur un certain nombre de points de la figure ci dessus:
a)Vue du coté gauche de la face externe de la mandibule:
– en n° 2 le nerf dentaire inférieur a changé de nom, il s’appelle désormais « nerf mandibulaire », il entre dans l’os au foramen mandibulaire(5), passe dans le canal mandibulaire, et en sort au trou mentonnier (7 et 8) où il prend le nom de nerf mentonnier(9) et se subdivise.
b) Vue de la face interne du côté droit de la mandibule (côté gauche sectionné et retiré):
– en n° 3 le nerf lingual chemine hors de l’os, dans l’épaisseur de la muqueuse, en lingual des dents et se ramifie plus tôt que sur ce dessin. Il innerve une grande partie de la langue.
Il en résulte, que les trois nerfs qui nous concernent le plus sont: le nerf mandibulaire, le nerf lingual et et le nerf mentonnier, qui sont tous issus du nerf trijumeau (voir ICI). Le trijumeau est un nerf exclusivement sensitif.
Le nerf mandibulaire, (anciennement « nerf dentaire inférieur » nouvellement « nerf alvéolaire inférieur).
C’est un nerf assez gros qui chemine dans un tunnel osseux en dessous des prémolaires et molaires inférieures. Tout ce qu’on fait sur ces dents est susceptible d’avoir une incidence sur le nerf mandibulaire. Il envoie des ramifications pour innerver chaque dent et passe très près des racines des dents de sagesse.
Sur les clichés panoramiques, le canal mandibulaire est visible et on peut déjà évaluer le risque d’une intervention sur une dent de sagesse par exemple.
Voici une radiographie panoramique intéressante:
Une dent de sagesse, incluse ou pas, peut être très proche du nerf mandibulaire.
A ce niveau, la mandibule est épaisse, et le canal mandibulaire peut être en avant, en arrière ou sur le nerf mandibulaire.
Sur un cliché panoramique le cliché et en dehors de la mandibule, donc en vestibulaire des dents: ce qui apparaît comme plus proche du film est donc vestibulaire.
Sur un cliché rétroalvéolaire, le film est en lingual: ce qui apparaît plus net est donc lingual.
En cas de doute, il faut faire un scanner. La lecture du scanner est beaucoup plus compliquée et fera l’objet d’un article séparé car il faut trouver des clichés dont je ne dispose pas actuellement.
Le seul moyen de protéger le nerf mandibulaire est de bien analyser les clichés avant l’intervention pour bien situer sa position par rapport à la dent à extraire. En cas de doute, il faut fractionner la dent et séparer les racines, puis les sortir une par une dans la direction qui aura été établie avec les clichés radiographiques.
Le nerf mentonnier.
Il est la continuation du nerf mandibulaire après sa sortie au trou mentonnier. Il y a un gros paquet vasculo-nerveux qui sort à ce niveau et qui est très vulnérable: le meilleur moyen de ne pas le léser est de le mettre à nu, de le visualiser et de bien montrer à l’aide opératoire où il se trouve pour ne pas le déchirer avec l’écarteur. Il est plus facile à éviter car visible et il existe des écarteurs spéciaux pour le protéger.
Le nerf lingual.
Il chemine dans l’épaisseur de la muqueuse linguale, il est donc contre-indiqué de faire des traits de décharge verticaux en lingual des dents inférieures. Chaque fois que ce sera possible, on optera pour un lambeau à décollement cervical sans trait de décharge vertical. En cas de nécessité le trait de décharge sera déporté le plus en avant possible, là où le nerf est déjà ramifié en plusieurs branches.
Lorsqu’une dent de sagesse inférieure se trouve en position linguale, on fait une incision le long de la crête et on décolle avec le périoste en lingual de façon à récliner le nerf avec la muqueuse. On le protège ensuite avec un écarteur lame type Sorensen.
Innervation de la langue.
Nerfs moteurs:
Tous les muscles de la langue sont innervés par le Grand Hypoglosse (XII) sauf le palato-glosse innervé par la partie vagale du plexus pharyngien (IX Glossopharyngien).
Nerfs sensitifs:
La partie postérieure de la langue, et l’épiglotte sont innervées par une branche du pneumogastrique (X) le nerf pharyngé supérieur.
La base de la langue est innervée par le pneumogastrique (X).
Le plus grande partie est innervée par le lingual, branche du mandibulaire issu du trijumeau (V).
Nerfs sensoriels (goût):
Innervation par le Glossopharyngien (IX) et la corde du tympan, branche du facial (VII).
Normalement dans notre pratique courante, ces nerfs ne sont pas exposés à des accidents.
Pour la chirurgie maxillo-faciale, tous les nerfs cités dans cet article peuvent être touchés, mais les risques sont calculés et les techniques opératoires les mettent à jour pour les protéger.
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