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Endodontie et parodontologie.

Il est intéressant de voir quelles sont les relations entre l’endodontie et la parodontie.

Frédéric Manoukian
Docteur en Chirurgie Dentaire
Docteur d’Université en Odontologie

Comment la nature peut réparer certaines erreurs

Il nous est venu à l’idée de ressortir un dossier ancien, pas vraiment à notre avantage, mais qui prouve une fois encore que la nature est bien faite.

Le 28 août 1995, nous recevons en urgence Monsieur  H. ( 33 ans à cette date). Il présente en regard du vestibule de la dent 46 une tuméfaction à mi-hauteur racine, au milieu de la dent, ce qui nous fait penser à un problème d’origine parodontale*. La dent est obturée par un vaste amalgame occluso-distal, et la radiographie pratiquée montre une cavité très profonde, assez proche de la pulpe, avec une zone radio-claire dans l’espace inter-radiculaire. Le test au froid négatif signale une dent mortifiée et l’examen plus approfondi de la radiographie montre une communication évidente entre la chambre pulpaire* et l’infection inter-radiculaire en distal* de la racine mésiale*(flèche). Ayant donc déterminé l’origine de cette infection, nous prescrivons un traitement antibiotique à notre patient, puis nous décidons de tenter un traitement endodontiqu*e de cette dent, bien que l’extraction eut été certainement préférable.(Radiographie n°1)

Radiographie n°1

Quelques jours après, le 11 septembre, lorsque la tuméfaction vestibulaire est résorbée, nous entreprenons le traitement endodontique de cette dent. Nous n’avons à cette date ni système d’alésage canalaire* en rotation continue, ni localisateur d’apex, ni le M.T.A. pour nous permettre de combler les perforations, ce qui en passant nous permet de mesurer les progrès accomplis dans ces différents domaines de la chirurgie dentaire.

Nous commençons comme à notre habitude l’alésage* du canal distal, avec l’instrumentation manuelle classique, broches utilisées en ¼ de tour, remontées, essuyées, en alternance avec l’hypochlorite de sodium*, jusqu’au n° 30. La longueur  de travail est repérée et l’alésage classiquement réalisé. Une fois le canal séché, il est obturé avec la technique classique du scellement canalaire au Sealite de Pierre Rolland avec des cônes de gutta-percha* compactés à froid. Une première radiographie est pratiquée.(Radiographie n°2)

Radiographie n°2

Nous entreprenons alors les deux canaux mésiaux qui s’avèrent beaucoup moins coopératifs que le canal distal. Ils sont très fins, l’alésage manuel est difficile mais nous obturons quand même ces deux canaux. Le résultat radiographique n’est pas satisfaisant et nous décidons de recommencer ce traitement dans une séance ultérieure.(Radiographie n°3)

Radiographie n°3

Une semaine après, le 19 septembre, nous reprenons donc le traitement des canaux mésiaux. Précisons qu’a aucun moment, nous n’avons eu recours à l’anesthésie. Nous retirons l’ancienne obturation, recommençons l’alésage canalaire, et sans nous en rendre compte, nous passons dans la perforation. Nous réalisons l’obturation canalaire, toujours avec des cônes de gutta-percha scellés par le Sealite. Le temps de développer la radiographie et de nous rendre compte que nous étions passé par la perforation dans l’espace inter-radiculaire, le Sealite commençait à faire sa prise. Lors du retrait du cône qui faisait une boucle dans l’infection, celui-ci s’est cassé laissant en place une bonne partie de gutta-percha hautement iatrogène.(Radiographie n°4)

Radiographie n°4

Nous avons tenté à nouveau de récupérer le cône mais tous nos efforts sont restés vains. Nous avons donc prévenu le patient et lui avons suggéré de consulter un parodontiste qui aurait pu, par voie latérale cureter l’infection et supprimer le facteur irritant que constituait le cône de gutta-percha. Il a refusé en disant qu’ « on verrait bien », n’étant pas très motivé pour subir une intervention de chirurgie buccale même mineure. Nous avons donc attendu.

Radiographie n°5

Quelques mois après, le 18 avril 1996, nous revoyons le patient en consultation. A l’examen clinique, il ne restait plus de signes de l’infection. Nous prenons une radiographie sous une autre angulation et nous constatons que l’infection, bien que silencieuse, est toujours présente et qu’elle a même augmenté de volume. Le patient n’étant toujours pas motivé pour consulter en parodontologie*, nous préconisons le statu quo sachant que de toutes façons, cette dent était perdue si nous n’intervenions pas.(Radiographie n°6)

Radiographie n°6

Le 15 juillet 1999, le patient consulte à nouveau pour d’autres motifs. Nous en profitons pour prendre un cliché radio numérique. A notre grande surprise, sur ce cliché, le cône de gutta-percha est toujours en place, mais l’infection périphérique a nettement régressée. Devant ce résultat inattendu, nous décidons une fois encore d’attendre. (Radiographie n°7)

Radiographie n°7

Nous revoyons en consultation notre patient le 29 octobre 2003 et une fois encore, nous faisons une radiographie de contrôle sur cette fameuse molaire. Une fois de plus, la radiographie montre la présence du cône de gutta-percha enchâssé dans l’os alvéolaire sous le plancher pulpaire car toute trace d’infection a disparue. La dent est complètement silencieuse, immobile et parfaitement fonctionnelle. Nous ne l’avons toutefois pas couronné car c’est toujours pour nous une dent potentiellement problématique.(Radiographie n°8)

Radiographie n°8

EN CONCLUSION…

Nous avons cherché une explication a cette guérison assez inattendue, il faut le dire. Partant d’un traitement endodontique défectueux, comment la dent a t-elle guéri et reste encore en place neuf ans après ?

Pour nous le fait que la détersion à l’hypochlorite de sodium ait été abondante et que le cône de gutta-percha, malgré son potentiel iatrogène, ait réussi à obturer la perforation font que l’infection a régressé malgré tout. Peut-être que Dame Nature y a mis aussi du sien…Il ne faut pas toujours compter sur elle, mais un coup de pouce de sa part de temps en temps ne peut pas faire de mal…

2ème CONCLUSION :

Nous avons des patients fidèles et  avons revu très récemment Monsieur Jean-Luc H (en février 2011). Sa dent n° 46 est toujours en place, parfaitement silencieuse et fonctionnelle plus de 16 ans après le début de cet acte…Dont acte..

Dr Frédéric MANOUKIAN  http://dr-manoukian-frederic.chirurgiens-dentistes.fr/

* Voir: lexique.

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