Finalement, les exostoses maxillaires sont beaucoup plus fréquentes que je ne le pensais. Il faut donc faire le point sur le sujet car je reçois beaucoup de questions.
LES EXOSTOSES MANDIBULAIRES
Ce sont de loin les plus répandues.
La mandibule présente souvent une zone d’épaississement aux emplacements des sutures osseuses embryonnaires. Il arrive qu’une surproduction d’os se forme à ces emplacements. Il n’y a aucune pathologie associée, ni aucun risque de dégénérescence cancéreuse, mais cela peut devenir très gênant pour le patient car la langue ne trouve plus sa place.
Cette exostose mandibulaire s’appelle aussi « torus(ri) mandibulaire(ri)«
La structure histologique de l’os néoformé est exactement la même que l’os normal et, bonne nouvelle, cet os en trop peut servir de site donneur pour des prélèvements en vue de greffes.
ÉTIOLOGIE
Il n’y a aucune certitude en ce qui concerne la cause des exostoses, et depuis la fin du XVIIIème siècle, on a émis différentes hypothèses dont aucune n’a été confirmé avec certitude.
L’hérédité est souvent citée, et plus récemment les traitements hormonaux de la ménopause, ainsi que les dysfonctions parathyroïdiennes.
En ce qui me concerne, l’énorme quantité de messages et mails que je reçois m’amène à constater que ce que je croyais être « des curiosités anatomiques » sont de plus en plus répandues et en questionnant les lecteurs, j’en arrive à poser l’hypothèse d’une réaction osseuse aux surcharges des forces sur les os maxillaires, soit par des traitements orthopédiques, soit par un bruxisme important. La réaction osseuse se fait aux zones des sutures osseuses mandibulaires ou intermaxillaires supérieures. Ce serait en quelque sorte une réponse exagérée à une sollicitation mécanique.
Dans le cas très discret ci-dessous, envoyé par une lectrice, on constate quand même une forte abrasion des dents qui témoigne d’un bruxisme important.
Ces exostoses débutantes sont en réalité très répandues et n’évoluent pas forcément vers les cas gigantesques montrés ci dessus.
Quoiqu’il en soit, il est important de rassurer les personnes à qui cela arrive car à part la gêne physique il n’y a aucun inconvénient, ni aucun danger.
LES EXOSTOSES PALATINES.
Elles arrivent en deuxième position dans l’ordre de fréquence
Ici aussi, il n’y a pas de caractère pathologique et seule la gêne ou l’appareillage prothétique indique l’exérèse chirurgicale.
LES EXOSTOSES VESTIBULAIRES.
Une forme atténuée, l’exostose vestibulaire est le « bourrelet de Mac Call » très caractéristique de la surcharge occlusale.
Ce bourrelet peut se transformer en véritable exostose. Il ne faut pas le confondre avec une hyperplasie gingivale qui est faite de tissu gingival élastique; là il s’agit bien de tissu osseux.
Les grosses exostoses vestibulaires dépassent en volume les bourrelets de Mac Call et sont aussi dues à des forces occlusales exagérées surtout chez les bruxomanes.
La limite entre exostose et bourrelet de Mac Call est difficile à trouver.
En ce qui me concerne, je n’ai jamais vu de dégénérescence cancéreuse d’une exostose.
TRAITEMENT DES EXOSTOSES.
Le traitement est uniquement chirurgical et ne se fait que s’il y a gène ou nécessité prothétique; et maintenant de plus en plus pour prélever de l’os en vue de poses d’implants.
L’obstacle inévitable est le nerf lingual dont le trajet est sous muqueux, contrairement au nerf mandibulaire qui est intra-osseux:
Comme il se subdivise vers l’avant, il vaut mieux pratiquer l’incision de décharge verticale le plus en avant possible, c’est à dire au niveau de la canine, pour sectionner les branches collatérales et non pas le tronc central. L’incision principale se fait le long des collets des dents jusqu’à la deuxième molaire pour donner une meilleure visibilité.
L’os mis à nu, après décollement de la muqueuse et du périoste, laisse bien apparente l’excroissance osseuse à réséquer.
La résection osseuse se fait à la fraise à os sur micro-moteur ou à la fraise Zekria sur turbine, toujours avec une irrigation abondante pour ne pas faire chauffer l’os, ce qui pourrait provoquer des nécroses.
Une fois l’os bien aplani, le lambeau est rabattu à sa place et fortement comprimé pour arrêter le saignement.
Les sutures sont péridentaires ou point par point en 8 au niveau des papilles gingivales, et 2 ou 3 points en 0 pour l’incision verticale de décharge.
Les suites post-opératoires sont discrètes si l’os n’a pas chauffé. Les fils sont soit résorbables, soit retirés au bout d’une semaine.
En ce qui concerne les exostoses palatines du torus palatin, je souhaite préciser qu’il faut éviter les incisions de décharge au palais car elles cicatrisent très mal. Il faut donc faire une incision en feston le long des collets palatins des dents, de prémolaires à prémolaires et décoller complètement la muqueuse palatine, puis procéder à la résection osseuse, ensuite rabattre la muqueuse et faire des sutures péridentaires. Il est bon de poser tout de suite une plaque palatine pour obtenir un bon réattachement de la muqueuse palatine.
On peut éventuellement se servir de l’os en trop d’une exostose pour faire une greffe là où on en a besoin.
Théoriquement, comme on n’en connaît pas la cause, les exostoses peuvent récidiver. Mais par mon expérience personnelle, je n’ai pas le souvenir de récidives.
Je rappelle une fois de plus, pour rassurer ceux qui en sont porteurs, que les exostoses n’ont aucun potentiel dégénératif, et qu’on ne les opère que pour des raisons de confort, ou en vue d’une réhabilitation prothétique.