J’ai beaucoup hésité sur le titre de cet article. Je pensais à « La dent et le langage ». Mais cela aurait pu faire croire que je voulais parler du rôle de la dent dans la phonation, c’est à dire le langage articulé, qui comme vous le savez sans doute , est un des critères qui sert à définir l’homo sapiens. Ce n’était pas mon propos, mais maintenant que j’y suis, je me trouve un peu embrouillé. Tout est tellement intriqué que j’ai du mal à débrouiller l’écheveau. C’est bien là la preuve de l’énormité de l’importance de la bouche dans le psychisme humain. Voila différents sujets qui s’offrent à moi:
-Relation anatomique entre la dent et la langue. J’en ai déjà parlé dans l’article « Ces tics qui détruisent vos dents », une grosse langue (mégaloglossie) peut faire litéralement exploser une arcade dentaire en poussant les dents vers l’extérieur au point de nécessiter une intervention chirurgicale pour diminuer le volume de la langue (glossectomie partielle)
-Relation entre la dent et la prononciation d’une langue . Suivant qu’une langue se prononce plus ou moins sur les dents, c’est à dire avec des dentales, comme le D, le T, la position des dents est différente, et donc la morphologie de la bouche aussi, et par conséquent l’aspect du visage également. Par exemple, les anglais ont souvent les incisives plus en avant à cause du « THE » et du grand nombre de dentales que présente la langue anglaise.
-Importance de la dent dans l’élaboration du langage articulé. Il est évident que le raccourcissement des arcades dentaires au cours de l’évolution a facilité, entre autres, l’apparition du langage articulé: on voit mal un lévrier arriver à parler avec son long museau. Par ailleurs la perte de dents ou l’édentation totale posent de très difficiles problèmes pour la phonation. Et tout le monde sait qu’une prothèse mal adaptée peut causer de très grosses difficultés de prononciation.
Et puis non! Je vais rester plus Lacanien et aborder le côté psychanalytique de la place de la dent dans la langue française et pour nous amuser un peu ,je vous soumet un texte qui aurait pu être écrit par Raymond Devos, et qui m’a été envoyé en cadeau d’ouverture pour mon blog, par mon grand ami le Docteur Frédéric Manoukian, texte qu’il a écrit sous forme d’une lettre écrite à ses patients par un praticien partant à la retraite, pour leur présenter son successeur .
TRAGEDIE DE RACINE OU COMEDIE DE MOLAIRE
J’ espère que vous n’aurez pas la dent dure avec moi, mais j’ai décidé du bout des dents, et sans mentir comme un arracheur de dents, d’arrêter mon activité. Je vous annonce que si depuis 40 ans, je suis sur les dents, je vous demanderai de ne pas garder une dent contre moi, de ne pas avoir la dent dure, et ne pas me montrer les dents, contrairement à ce que vous avez fait durant toutes ces années où ma carrière n’a pas été en dents de scie. Cette annonce va sans doute vous faire grincer des dents, mais je ne vais pas attendre que les poules aient des dents, j’ai décidé de passer le relais à mon successeur qui va devenir le pivot de votre famille, et pour cela il mérite d’être couronné, et vous pourrez sourire de toutes vos dents, toutes dents dehors. Je vous entends déjà parler entre vos dents: avec lui ce sera dent pour dent. Mais ne soyez pas inquiet, il n’a pas les dents longues, il n’a pas les dents qui rayent le parquet. Il va certainement prendre le mors aux dents. Il s’est déjà fait les dents sur d’autres, et de manière très incisive, malgré son sourire canin. Bien sûr avec moi vous étiez armés jusqu’au dents pour affronter l’avenir, vous n’aviez pas besoin de manger du bout des dents, si vous aviez la dent. Il vaut mieux desserrer les dents et mordre dans la vie à pleines dents, sans vous casser les dents, même quand vous n’avez rien à vous mette sous la dent. Cela vaut toujours mieux que de creuser sa tombe avec ses dents! Et même par grand froid, vous pourrez serrer les dents, plutôt que de claquer des dents. En partant je vous dirai entre mes dents: « Que Dieu vous prothèse ».Et vous me répondrez : « Nous vous rendons l’appareil ».
Il faut le faire, non? Dommage qu’il n’est pas réussi à caser l’expression « avoir les dents qui courent après le bifteck »
Le sujet « dent-psychanalyse » est inépuisable, et si cela vous intéresse, lisez donc l’article du Dr. Estelle Vereek:
J’ai bien aimé.
Je pense que le mot de la fin aurait pu être de Jacques Lacan:
« il y a là à boire et à manger… »