Article remis à jour le 14/10/2018.
La bouche des joueurs d’instruments à vent souffre énormément, surtout les dents et les lèvres.
Quand j’étais jeune, il y a bien longtemps, je jouais de la guitare…et nous avions une petite formation de jazz.
Je connais donc un peu les problèmes que subissent les différents musiciens, à commencer par la pulpe de mes doigts de la main gauche en sang, ou les ongles cassés de la main droite. Et les lèvres des joueurs d’instruments à vent!
J’ai ensuite gardé des contacts avec des musiciens professionnels, et le « bouche à oreille » (!) m’a valu une petite clientèle de musiciens qui est restée fidèle jusqu’à ma retraite.
Il est préférable de mettre une crème protectrice sur les lèvres avant de jouer, et je pense que l’apparition de gel à base d’acide hyaluronique doit aider beaucoup à la réhydratation pendant les périodes de repos.
Cela fait un moment que je me disais qu’il fallait que je partage mon expérience en ce domaine qui n’est pas très courant. Et le hasard a voulu que je reçoive un mail d’un trompettiste qui a des déboires avec son stomato ( qui n’est manifestement pas musicien!). Voila son message:
En juillet 2012 suite à une extraction dentaire d’une pré-molaire de la mâchoire supérieure droite, je suis rentré chez moi avec un sensation bizarre (résonance dans la partie droite entre la bouche et le nez). J’ai contacté mon stomatologue qui m’a donné un rendez-vous et demandé un scanner.
Sur les résultats il apparaissait 2 morceaux de racines et une CBS (Communication Bucco Sinusienne).
Après une nouvelle consultation, le chirurgien m’a proposé une intervention chirurgicale (sous anesthésie générale à ma demande) afin d’extraire les deux parties de la racine et refermer la CBS. Après l’opération il m’a dit que tout allait rentrer dans l’ordre au bout de quelques jours. Je précise que je suis chanteur et j’utilise des instruments à vent !!!!
Les semaines, les mois ont passé et depuis j’ai une gène constante au niveau de l’intervention, je dirais même une petite douleur ce qui me handicape dans la vie de tous les jours.
J’étais retourné voir le stomatologue en fin 2012 mais il avait trouvé l’intervention réussie et ne comprenait pas ou était mon problème !!!
Depuis maintenant presque 28 mois, mon problème est toujours présent.
L’opération d’après son explication, a consisté à refermer la CBS en utilisant un lambeau de la joue. Je pense que c’est cette technique qui n’est pas confortable, j’ai lu sur des forums que certains chirurgiens utilisent la boule de Bichat.
Peut-être que cette solution aurait été plus adaptée, car j’ai vraiment une gène désagréable du matin au soir et je cherche une solution qui pourrait me libérer de cette situation qui me p…. la vie !! Surtout avec mon métier ! Merci par avance d’une réponse de votre part. Cordialement »
Pour moi, il a tout de suite été évident que c’est de la trompette que joue ce lecteur, ou un autre instrument à embouchure (trombone, tuba…ect…) car pour les instruments à anches ( saxo, clarinette…etc…), ou les instruments à bec ( flûte, hautbois…etc…) il n’est pas nécessaire de souffler aussi fort.
Voici ma réponse:
« Il est évident que vous jouez d’un instrument à embouchure, probablement de la trompette, qui fait gonfler les joues. Comme on a prélevé la boule de Bichat dans la joue, avec un lambeau de muqueuse pour refermer la CBS, il y a actuellement une bride cicatricielle qui attache la joue trop bas, et ça tire dessus et vous fait mal. Il faut refaire une deuxième petite intervention, très rapide et très simple, pour couper cette bride et libérer la joue. D’ailleurs cette intervention qui consiste à utiliser la boule graisseuse de Bichat, se fait normalement en deux temps précisément pour cette raison. »
Chez ces musiciens, il est sage de poser après l’intervention un plaque palatine provisoire en résine qui maintient la CBS fermée pour éviter que le souffle ne rouvre la CBS , à porter pendant 4 ou 5 mois.
Je me souviens que dans ma chambre d’étudiant, j’avais épinglé sur le mur une photo de Dizzy Gillespie et je viens de la retrouver sur internet:
Regardez la photo, on a l’impression que l’air va ressortir par les oreilles!! et d’ailleurs c’est souvent que l’air passe dans les trompes d’Eustache! Cela peut provoquer une « béance tubaire »qui donne des symptômes auditifs comme d’entendre sa propre voix par exemple.
Il faut donc éviter de faire travailler « le masque », mais plutôt solliciter le diaphragme et muscle abdominaux.
Comment ne pas avoir de problèmes avec la bouche et les dents dans de telle conditions?
Les lèvres sont souvent gercées et les joues trop distendues. Dans le cas de ce lecteur, l’intervention pour fermer la communication bucco-sinusienne a tiré de la muqueuse de la joue et raccourci le vestibule: le gonflement tire sur cette bride cicatricielle et a tendance à la déchirer.
Chez les trompettistes, les dents antérieures sont souvent victimes de micro-traumatismes répétés qui peuvent aboutir à des mortifications d’incisives, ou des ébranlements avec mobilités des dents.
La confection de prothèses, fixes ou mobiles, doit obéir à certaines règles pour ne pas perturber la technique du musicien.
L’édentation totale chez un trompettiste est une catastrophe, et il faut systématiquement avoir recours à des implants, car l'embouchure pousse en arrière sur les prothèses.
Chéilite traumatique des instruments à vent:
Des traitements orthodontiques sont souvent nécessaires pour obtenir un meilleur résultat. Et le port d’appareillage doit être adapté au type d’instrument à vent que joue le patient.
Pour les suites post opératoires, en particulier après les extractions de dents de sagesse, il faut faire très attention au risque d'emphysème (voir ICI), la pression peut faire entrer l’air dans la plaie et diffuser le gaz dans le tissus cellulaire, ce qui donne un œdème crépitant avec risque de surinfection. Cela peut aussi ouvrir ou aggraver ou entretenir une communication bucco-sinusienne. Je pense qu’il est raisonnable de conseiller un arrêt durant une dizaine de jours.
Il est bien évident que chez les musiciens qui utilisent des instruments à vent, il faut être très prudent dans tous les actes chirurgicaux de la bouche et des dents, car la lésion d’un nerf peut être catastrophique pour eux.
Le problème des lèvres est très difficile à résoudre:
Traitement local:
- pour les chélites glandulaires,on peut détruire les glandes incriminée à l’électrocoagulation, au laser, à la torche à plasma ou par exérèse au bistouri.
- pour les chélites actiniques il faut faire systématiquement une biopsie, et recommander la protection totale des lèvres au soleil.
- pour les chélites traumatiques, il faut protéger les lèvres avec une crème grasse lors de l’activité causale, et éliminer tous les tics de mordillement de succion ou de léchage.
- pour les chéilites commissurales il faut se souvenir qu’elles sont souvent plurifactorielles : immunodépression générale, macération et irritation locale, surinfection mycosique ou bactérienne.
- pour les chélites secondaire il faudra un traitement spécifique à chaque maladie.
Le traitement local proprement dit:
- des mesures d’hygiène douce,
- un traitement émollient quotidien,
- un traitement anti-inflammatoire topique pendant les poussées et éventuellement à titre de prévention des poussées.
Un traitement par corticothérapie locale (clobétasol en crème) appliqué 2 fois par jour sur les lésions labiales sur les chéilites desquamatives, et allergiques, permet la disparition des lésions érythémato-érosives et croûteuses des lèvres après un mois de traitement. Une surveillance tous les 6 mois et des conseils de protection solaire doivent être prodigués.Mais il faut bien reconnaître, et les forums internet sont là pour le confirmer, les traitements ne sont pas toujours efficaces et de nombreuses recherches sont actuellement en cours pour tenter d’améliorer les résultats.Et comme toujours, ce sera encore la prévention qui aura le dernier mot!!!
bonjour
notre fille est fagottiste à l’opéra de Hambourg, l’une des 5 plus grandes scènes musicales allemandes, après avoir commencé sa formation aux instruments à vent au hautbois, et fait sa vie avec un corniste virtuose mais qui gagne sa croûte autrement qu’en soufflant! Le basson/fagott n’exige effectivement pas autant de pression. par contre, si vous regardez de vieux enregistrements vidéo du grand orchestre symphonique de Munich (aussi l’une de ces 5 grandes scènes) vous aurez peut-être la chance de remarquer un jour un hautboïste dont le cou se gonfle d’une paire d’énormes « sac à vent », un sur chaque côté! Car le hautbois, qui oblige à pincer avec la plus extrême finesse en jouant, les lèvres, ce qui empêche de gonfler les joues (gonfler les joues donne un profil de bouche en forme d’anus, propice pour venir se loger dans l’alvéole d’une embouchure semi-sphérique; faite l’essai avec votre bouche!) aussi exige une pression considérable avec une anche dure mais n’utilise qu’une petite quantité de l’air (le hautboïste a tendance à s’étouffer parce qu’il ne peut pas se « débarrasser » de son air, mais la pression qu’il utilise est énorme) et tous les vents « travaillent avec les dents », hormis l’accordéon bien sûr, mais c’est un clavier (un gros problème pour notre fille dont les 4 incisives inférieures n’ont pas grandi suite à un exanthème subit: la très haute fièvre a du tuer au terme de la première année de sa vie les germes de ces dents). Notre fille vit donc, malgré cette exigeante vocation réussie de virtuose parmi les instruments à vent, avec de fausses incisives quasi de naissance! Le remplacement des 4 incisives fut planifié à l’Université privée de médecine des Écoles Waldorf, Rudolf Steiner, de Herdecke, faculté de médecine dentaire de Witten. À Saarbruck, où elle joua aussi comme soliste à l’orchestre national de la Sarre, elle avait réussi à se faire traiter chez un dentiste, sans doute encore en exercice, antérieurement mariée à un fagottiste (à noter que de nombreux médecins et dentistes en Allemagne furent musiciens, et, souvent, ont hésité quelle orientation des deux choisir: Les chances de trouver un médecin / dentiste / chirurgien compétant en musique sont bonnes, car ces gens continuent à fréquenter les salles de concert, et cela se sait parmi les habitués, et aussi dans les universités, vu qu’il n’est pas rare qu’ils soient membres de l’orchestre symphonique de l’université!)
salut
J’ai adoré votre commentaire: mille mercis!