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Comment sauver une dent qui aurait dû être extraite.

Frédéric MANOUKIAN

Docteur en Chirurgie Dentaire

 Docteur d’Université en Odontologie

RELATION ENDO-PARO-PROTHESE : A propos d’un cas.

Mademoiselle A.M., 28 ans nous a été adressée par un confrère chirurgien-dentiste pour le traitement d’une lésion inter-radiculaire avec perforation du plancher pulpaire et présence d’un cône de gutta-percha dans l’espace inter-radiculaire, au niveau de cette lésion.

Après concertation entre les deux praticiens du cabinet, dont un spécialisé en parodontologie, nous avons décidé de retirer le cône de gutta-percha si possible, puis de reprendre le traitement endodontique notoirement insuffisant, surtout dans le canal distal. (figure 1)

                                                             Figure 1 : 15/03/1999

Nous espérons ensuite pouvoir séparer les deux racines retraitées, les séparer pour les transformer en deux piliers qui pourront recevoir une couronne après guérison.

Lors de la première séance, nous avons donc repris le traitement radiculaire en démontant l’amalgame occlusal avec une fraise cylindrique diamantée et en prenant garde à ne pas passer au-dessus de l’espace inter-radiculaire pour ne pas couper malencontreusement le cône de gutta-percha inter-radiculaire.Une fois l’amalgame déposé, nous avons nettoyé l’intérieur de la chambre pulpaire avec un insert ultrasonique (E40 de Satelec) monté sur détartreur (Piezomatic). Après nettoyage de la chambre pulpaire, le cône de gutta-percha a été mis en évidence et retiré précautionneusement à l’aide de pinces de Stieglitz, ce qui a occasionné lors de son retrait une petite hémorragie au niveau du plancher pulpaire.(figure 2)

                                                                        Figure 2

Cette perforation a été temporairement obturée au M.T.A. ( Mineral Trioyde Aggregate, ProRoot de Maillefer). Nous avons essayé de mettre la digue, mais les réflexes nauséeux de la patiente nous ont obligé d’y renoncer.

Nous avons donc entrepris la reprise du traitement canalaire en utilisant le système en rotation continue Protaper de Maillefer. Après avoir mis en évidence les trois entrées canalaires avec l’instrument ultrasonique, l’ancienne obturation a été dissoute avec un solvant à base d’acétate d’éthyle. Le canal distal, plus accessible, a été instrumenté en utilisant la série des Protaper en commençant par le plus grand diamètre, c’est-à-dire le Protaper bleu, puis le rouge, le jaune, le blanc, le violet, le tout en alternant solvant, lubrifiant canalaire (Glyde), et hypochlorite de sodium.

La longueur de travail a été régulièrement contrôlée avec un localisateur d’apex ( Root ZX de Morita). Une fois la longueur de travail atteinte, l ‘alésage a été effectué avec les mêmes instruments, cette fois en augmentant les diamètres du Protaper du plus fin au plus gros. Un maître-cône a été choisi selon la longueur et le diamètre du dernier Protaper utilisé, c’est-à-dire le Protaper bleu.

Ce premier canal a donc été obturé en technique de gutta-percha par condensation latérale à froid de cônes de gutta-percha avec le Sealite ( Laboratoires Pierre Rolland) comme ciment de scellement canalaire. (figure 3)

                                                                          Figure 3

Nous avons ensuite repris le traitement des deux canaux mésiaux de la même manière, et obturé ainsi définitivement les racines de cette dent, toujours par technique de gutta-percha foulée à froid. ( figure 4).

                                                                          Figure 4 :

Nous pouvons constater que de la pâte d’obturation a fusé dans l’espace inter-radiculaire, ce qui n’est pas très grave dans la mesure où une hémisection de la dent sera pratiquée, ce qui permettra d’éliminer l’excès de pâte. Nous constatons également qu’un canal latéral sur la racine distale a été obturé en même temps.

Mademoiselle A.M. a ensuite été confiée à notre confrère parodontologiste qui a séparé les deux racines, avec des fraises très fines de Touati. Un curetage soigneux de l’espace inter-radiculaire a été pratiqué, avec des curettes de Gracey et des mini CK6.

Les deux racines ont été régularisées, une petite couronne provisoire a été mise en place et scellée au Temp-Bond pour protéger l’espace inter-radiculaire ainsi ouvert.( figure 5)

                                                                      Figure 5

Après un délai de cicatrisation d’un mois, nous avons commencé l’élaboration de la prothèse. Il fallait préserver l’espace inter-radiculaire tout en maintenant un passage pour permettre le bon nettoyage de cette zone. Un inlay-core « a cheval » sur les deux racines a été scellé en place, de manière la plus solide possible en maintenant un accès libre à l’espace inter-radiculaire. Puis l’inlay-core a été protégé par une couronne provisoire en résine. (figure 6)

                                                                         Figure 6

Nous avons encore attendu par prudence un mois de plus. Voyant que la sensibilité de la dent à la percussion disparaissait ainsi que les signes cliniques associés (mobilité, tuméfaction gingivale périphérique), nous avons décidé de poser la couronne définitive par-dessus l’inlay-core selon des méthodes traditionnelles céramo-métalliques, et toujours en ménageant un espace permettant le nettoyage de l’espace inter-radiculaire. (figure 7).

                                                                      Figure 7

Nous pouvons constater que pour l’instant, il n’y a pas encore comblement de l’espace inter-radiculaire. Le temps, associé au curetage, puis à la protection de la partie atteinte permettra de maintenir cette dent en place.

En conclusion…

Nous avons revu 5 ans après Mademoiselle A.M. qui est de venue entre-temps Madame A.C. Nous avons refait des radiographies et pris des photographies pour voir l’évolution de cette dent qui était au départ assez compromise.(figure 8, photos 9 et 10)

                                                          Figure 8 : 23/09/2004

                                                                        Photo 9

                                                                   Photo 10

Nous pouvons constater que 5 ans après, le niveau osseux n’a pas baissé au niveau de la lésion inter-radiculaire, ni au niveau des espaces inter-proximaux. Le traitement radiculaire est toujours parfaitement en place. Les photographies montrent une gencive nette, saine, non congestive ni érythémateuse, maintenant un passage pour une brossette inter-dentaire permettant un nettoyage de cette zone aussi parfait que possible.

Ce cas que nous avons reproduit de nombreuses fois nous permet de constater qu’il est souvent possible, avec des techniques très simples de conserver des dents qui auraient été condamnées il y a quelques années encore. Il est vrai que les progrès de l’implantologie nous font moins hésiter à extraire une dent qui aurait pu être prolongée avec des techniques de parodontologie extrême. Mais dans le cas où la discussion serait ouverte, il sera toujours préférable de conserver la dent naturelle, ne serait-ce que pour quelques années, à la solution extraction-implantation qui demeurera toujours possible.

2ème conclusion : De nos jours…

Comme dans l’autre cas que nous avons décrit précédemment, (Relation entre endodontie et parodontologie : Un cas intéressant), nous avons vu récemment en fin d’année 2010 Madame A.C. est revenue consulter au cabinet dentaire pour sa visite de contrôle annuelle. Nous avons pu constater que 12 ans plus tard, la molaire n° 46 est toujours en place, parfaitement fonctionnelle et totalement silencieuse. Ce qui prouve que l’extraction qui était préconisée par le praticien précédent n’était peut-être pas la meilleure solution…

Dr Frédéric MANOUKIAN  http://dr-manoukian-frederic.chirurgiens-dentistes.fr/

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