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Qu’est-ce que l’ostéopathie?

Grâce à ce blog, j’ai rencontré un jeune ostéopathe très sympathique  et compétent qui m’a permis d’améliorer mes connaissance en ostéopathie.
M. Florian Mandrillon, qui a déjà écrit ICI un article très intéressant, a très gentiment accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions et m’autorise à transcrire notre conversation.

A.H.
Votre premier article m’avait beaucoup intéressé mais j’avoue qu’avec ma formation Cartésienne je me sens un peu frustré. Tout d’abord, pouvez me dire d’où vient ce nom « ostéopathie »?

F.M.
L’ostéopathie est née dans la seconde moitié du 19e siècle,aux Etats Unis, plus exactement dans le Missouri. Andrew Taylor Still, le fondateur, est fils d’un pasteur méthodiste. La vie et l’oeuvre de Still sont tellement riches qu’on pourrait en parler pendant au moins deux semaines! Sans rentrer dans les détails, il est important de savoir qu’il était très proche de la nature, ainsi que de la culture amérindienne (son père s’occupait d’une réserve d’indiens Shawnee). Ayant appris la médecine avec son père, il eut dans sa vie plusieurs épisodes de désillusion par rapport à la médecine de son époque: plusieurs de ses enfants sont morts de méningite devant ses yeux. Pendant la guerre de Sécession, il fut confronté à l’échec de la médecine pour soigner ses congénères. Rappelons-nous que la médecine de l’époque consistait bien souvent à administrer des drogues et autres sédatifs pour atténuer la douleur, sans vrai remède, avec l’inconvénient d’être très toxique et parfois mortel.
Un jour qu’il veillait sur des enfants atteints de dysenterie -la dysenterie est une infection de l’intestin dont les gens mourraient à l’époque-, il posa intuitivement ses mains sur le corps des enfants. Il remarqua qu’il y avait des zones froides et des zones chaudes. Il tenta de faire communiquer les zones froides et chaudes, et à sa grande surprise, l’enfant guérit. Il réitéra l’expérience, et soigna une vingtaine d’enfants comme cela. Imaginez-vous sa surprise!
Cela fait partie de ses premières expériences, le concept viendra plus tard après de longues années de recherche et de pratique. Tout cela est parti d’une expérience, qui a ensuite été appuyé par des idées théoriques, et non l’inverse

A.H.
Je croyais que le mot « ostéopathie » signifiait « maladie des os »; pourquoi cette profession s’appelle-t-elle ainsi?

F.M.
Le mot « ostéopathie » signifie dans le langage médical « maladie des os », c’est vrai, mais dans notre domaine, cela a un sens différent. Nous entendons l’étymologie comme « osteon » voulant dire « os », et « path », non comme maladie, mais comme « voie ». Quelque chose comme « la voie de l’os »… En réalité, le choix de ce nom par Still est un mystère pour les ostéopathes. Nous avons des pistes de réflexion mais Still ne nous a pas donné le véritable sens du mot, peut-être pour que nous cherchions ce qu’il a voulu dire. James Jealous, ostéopathe américain, suggère que dans l’embryogenèse, le système osseux est le premier à apparaître sur la plaque embryonnaire, il est donc au coeur du corps humain. De plus, les os nous permettent de nous repérer pour savoir où nous sommes quand nous travaillons avec les tissus. Personnellement, je n’ai pas de réponse, mais je pense qu’il est important de garder ce que les aînés nous ont donné pour nous appuyer sur une tradition.

A.H.
Donc vous ne travaillez pas spécifiquement sur les os: alors, concrètement, qu’est ce que vous faites quand vous soignez avec les mains?

F.M.
Je peux déjà vous dire qu’il s’agit d’un travail avec les tissus: pas seulement les os, pas seulement les muscles, mais l’ensemble: os, muscles, vaisseaux, nerfs, tissus conjonctifs, membranes, fluides circulants, etc… D’abord on considère l’ensemble, ensuite on peut discriminer de quel type de structure nous parlons. Cela va sans dire que la connaissance de l’anatomie est essentielle. Pour A.T. Still, un ostéopathe devrait connaître au moins 90% de l’anatomie ( petits nerfs, lymphatiques compris); à moins de cela, il bidouille.

A.H.
Vous ne faites donc pas bouger les os?

F.M.
Si vous voulez… mais ce n’est pas aussi simple que ça. En fait, l’anatomie a une place « normale » dans le corps, une place pour laquelle elle a été faite. Une partie de l’apprentissage ostéopathique consiste à apprendre quelle est cette normalité, par la connaissance de l’anatomie et de la physiologie, mais aussi et essentiellement par la palpation. La palpation est un art, au sens fort du terme. Cet apprentissage s’effectue sur de longues années, des heures à observer, investiguer minutieusement, quels sont les rapports des structures, quelle est la densité des structures, les variations de densité d’un sujet à l’autre, les tensions physiologiques et pathologiques d’un tissu. Après l’apprentissage de la normalité, nous apprenons à diagnostiquer les restrictions, perte de mobilité fine, micro-déplacements de ces structures les unes par rapport aux autres. Un très léger décalage ou une compression à un endroit peut entrainer un dysfonctionnement global. Nous savons cela car lorsque nous levons ces compressions et ajustons chaque partie vers la normalité, le patient va mieux, les symptômes disparaissent.

A.H.
c’est donc une pratique empirique?

F.M.
Non, le sens du toucher peut se développer bien au delà de ce que nous pensons habituellement. Quand nous échangeons entre ostéopathes, nous sentons la même chose. Et souvent, les zones de compensation que nous trouvons sont en relation avec des traumatismes vécus et rapportés par la personne. Cela est largement corroboré par les neurosciences, avec la « plasticité cérébrale ». C’est la capacité qu’a notre cerveau de développer les aires réceptrices et émettrices par rapport à une activité que nous faisons; comme un musicien, ou un oenologue développe son sens de l’odorat et son goût, et arrive à percevoir dans les arômes des informations subtiles mais néanmoins tangibles. Celui-ci a développé les aires correspondantes de son cerveau bien au delà de quelqu’un qui ne serait pas musicien, ou oenologue. Pour un ostéopathe, c’est la même chose avec le corps humain. Par ce sens du toucher entrainé nous accédons à des informations fines dans le corps. Ce serait passionnant d’étudier l’activité cérébrale d’un ostéopathe en train de travailler avec les tissus.

A.H.
Je comprend bien ces informations que vous recevez: les tissus sont vivants et le lieu de toutes sortes d’échanges gazeux ou autres, et la lymphe apporte de matériaux nourriciers, la post hypophyse cérébrale envoie des neurotransmetteurs, toute cette activité peut parfaitement vous être perceptible de même que les différences de température entre certaines parties du corps.

F.M.
oui, en effet, il existe des neurotransmetteurs, des neurohormones, et tout un tas de molécules circulantes qui nous permettent de supposer que nous sentons cela. Après, il ne nous est pas encore possible de le vérifier, bien que des études soit en cours dans ce sens.

A.H.
Cela je le comprend très bien. C’est la partie  DIAGNOSTIC. Mais la partie TRAITEMENT quelle est elle? Moi en tant que chirurgien je sais ce que mes mains doivent faire, et vous que font elles?
Et l’occlusion? et son influence sur la position des os crâniens? qu’en faites vous?

F.M.

L’intérêt de l’ostéopathie crânienne dans les troubles de l’occlusion, les dysfonctions des ATM, des suivis de traitement orthodontique, réside dans l’existence d’un système de répartition des contraintes au niveau de la mâchoire et du crâne. Les forces de mastication sont énormes, et doivent se transmettre au reste du corps de manière symétrique et équilibré une architecture osseuse empruntant les sutures entre les os du crâne. Ces sutures ne sont pas complètement ossifiées, pendant une grande partie de la vie. Elles restent semi-rigides, donc douées d’une capacité de micro-mobilité et adaptation. On pourrait se dire que cette micro-mobilité est anecdotique, voire inutile, et pourtant… Comme vous le dites dans votre article au sujet de l’ostéopathie crânienne, si on pose un bridge intermaxillaire passant sur la ligne médiane, on bloque la suture intermaxillaire; le système n’a donc plus la capacité d’exprimer cette micro-mobilité, cette absorption des contraintes, et les symptômes apparaissent. En enlevant le bridge, la mobilité est retrouvée et les symptômes disparaissent. S’il existe un déséquilibre de l’occlusion, des ATM, les forces de la mastication se répartissent de manière asymétrique, entrainant un déséquilibre au niveau des os du crâne, des cervicales, etc… Imaginez une personne bruxomane, qui serre les dents toute la journée ou la nuit: les conséquences sur le crâne et la colonne vertébrale sont énormes! L’ostéopathie peut beaucoup aider, pas forcément à supprimer la cause du bruxisme, mais surtout à limiter ses conséquences au niveau du crâne et du reste du corps.

A.H.
Vous n’êtes donc pas un rebouteux qui remet les os en place? J’ai aussi  l’impression  que l’ostéopathie est un peu ésotérique!

F.M.
Oui, c’est vrai! A.T. disait à ce sujet quelque chose comme ça: « Si vous me prenez pour un charlatan, une bonne dose d’anatomie vous prouvera le contraire… ». Pour conclure, je pourrais dire que nous devons connaitre notre anatomie sur le bout des doigts… au sens littéral du terme!

A.H.
Mais vous ne m’avez toujours pas dit ce que vous faites avec vos mains!…

Pour plus d’information, je vous recommande de lire cet article:
Cliquer ICI.

 En ce qui me concerne je regrette que tout l’accent de l’ostéopathie repose sur le diagnostic, et qu’on en sache si peu sur le traitement!

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