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La peur du dentiste et la sophrologie.

Je suis d’une génération où « la peur du dentiste » et l’hygiène bucco-dentaire lamentable des français faisaient des ravages sur le sourire national. En plus, la culpabilité inhérente à notre profession à cette époque m’a poussé à une recherche que les jeunes confrères n’ont probablement plus l’occasion d’entreprendre aujourd’hui. Je me suis dit que peut-être cela intéresserait certaines personnes de refaire ce chemin avec moi.

On aura beau faire et beau dire, l’arracheur de dents reste ancré dans l’inconscient collectif!

LE MYTHE DE L’ARRACHEUR DE DENTS (photo-depot.com)

La douleur est une émotion, elle est virtuelle, elle n’a pas d’existence physique. Il en est de même pour le plaisir. C’est cette caractéristique en commun qui permet de les confondre dans le sado-masochisme.

La bouche et l’anus sont étroitement intriqués dans les fantasmes sado-masochistes et les mythes de « vagins dentés ». Voyez les sculptures de dévoration, et la fantasmagorie de l’anthropophagie:

La douleur n’est pas une chose insurmontable. Les bourreaux de l’inquisition et de la Gestapo le savaient bien. Ce qui est intolérable c’est l’angoisse qui l’accompagne. La souffrance physique ne suffit pas à faire craquer un individu, il faut l’humilier, le détruire psychologiquement. Si on retire l’angoisse, la douleur en elle même est parfaitement supportable, surtout actuellement avec tous les moyens d’anesthésie dont nous disposons. De plus, la douleur une fois passée ne laisse aucune trace, aucune séquelle, on arrive même à avoir des difficultés à se souvenir comment c’était.

Le principe même de toutes les techniques pour aider les phobiques de la « peur du dentiste » c’est de s’attaquer à l’angoisse. Ne pas mépriser les gens qui ont peur, respecter leur peur. Qui a dit que les héros n’ont pas peur? ils ont peur. La peur est naturelle, elle permet de sécréter de l’adrénaline qui va donner l’énergie et la force de surmonter le combat. C’est la peur qui donne aux animaux l’énergie du combat ou de la fuite: c’est elle qui les sauve. Accepter sa peur et ne pas en avoir honte, c’est désamorcer l’angoisse et la moitié du chemin est déjà faite. La peur d’avoir peur engendre l’angoisse.

La plupart du temps les phobiques essaient de nous faire peur de leur peur et en quelque sorte de nous la transmettre. Il faut leur montrer qu’il n’en est rien. Prendre en charge la peur du patient avec bienveillance est le premier pas pour l’aider. Attacher les bras du patient au fauteuil comme on l’aurait fait il y a un siècle ne fait qu’aggraver sa peur. S’il s’agite pendant l’intervention il suffit de lui poser doucement la main sur le bras et tranquillement lui transmettre notre sérénité. Lui faire savoir que nous sommes bienveillants à son égard et que nous savons qu’il souffre plus de sa peur que de toute autre chose.

Qu’est-ce que la Sophrologie?

Avant la Sophrologie, il y a eu l’hypnose, dont on ne peut nier l’efficacité, mais qui a plus ou moins été abandonnée en raison de la lourdeur de sa procédure et des difficultés de détachement du transfert de certains patients vis-à-vis du praticien. Elle est à mon sens trop inductive et implique un certain pouvoir de l’hypnotiseur sur l’hypnotisé. Elle présente en outre le danger de déclencher des processus difficilement contrôlables chez certains patients hystériques ou hystéroïdes.
On a donc petit à petit évolué vers des méthodes moins autoritaires, comme le training autogène de Schultz, mais toujours aussi inductives. On suggère au patient des sensations de lourdeur, de chaleur, de vision de couleurs etc…pour le centrer sur son corps.

C’est à CAYCEDO que nous devons le terme de « Sophrologie ». « Sos-Phren-Logos » signifiant étymologiquement « Science de l’esprit harmonieux » (en réalité: sos=science, phren=cerveau, logos=langage). La relaxation dynamique mise au point par Caycedo, emprunte aux techniques orientales certains mouvements et procédures respiratoires. Elle a pour but essentiel la prise de conscience du schéma corporel. La peur de la douleur est avant tout un refus de l’existence du corps, car souffrir c’est sentir son corps. De même qu’avoir du plaisir c’est aussi sentir son corps; bloquer son plaisir sexuel est une autre manière de refuser la présence du corps.

En ce qui me concerne, j’ai été formé à l’hypnose, puis au training autogène, et ensuite à la sophrologie; j’en ai tiré une méthode composite variable en fonction de chaque patient. L’important est de laisser parler le patient et d’écouter ses peurs et ses fantasmes. On le met en position allongée et on l’aide à se détendre et à ressentir les sensations de son corps: sensations de fourmillements des doigts, vision de taches colorées etc. On lui fait faire des exercices respiratoires mobilisant le diaphragme et faisant un véritable massage des viscères, ainsi que du plexus solaire qui est souvent le siège de l’angoisse. C’est un apprentissage du patient qui ne comprend aucune forme d’induction de la part du praticien, et qui demande pas mal de temps, rendant cette méthode difficile à appliquer dans l’exercice quotidien et surtout avec les contraintes imposées par la Sécurité Sociale. C’est donc une méthode à réserver aux patients difficiles non désireux de recourir à l’anesthésie générale.

Pour ma part, la sophrologie m’a surtout aidé dans mon épanouissement personnel, et je la considère comme une philosophie utile surtout au praticien, pour l’aider à faire face au stress permanent d’une profession compliquée dans la relation avec les patients qui eux sont encore plus stressés.

La pharmacopée actuelle permet d’avoir recours à des prémédications sédatives rapidement éliminées et sans danger. La sophrologie aide surtout le praticien à avoir une autre approche du patient et aide le patient à percevoir le praticien autrement qu’un bourreau .

Les progrès de l’anesthésie générale permettent aussi de traiter des patients qui ont des peurs insurmontables dans de bonnes conditions mais l’inconvénient, c’est que le patient renonce complètement à son corps et ne sort pas enrichi de son expérience comme c’est le cas lorsqu’on l’aide à aller au delà de sa peur.

Un bon argument, qui m’a toujours réussi à convaincre les patients à ne pas recourir systématiquement à l’anesthésie générale est que d’accepter une certaine douleur, limitée, raisonnable, qui en somme fait partie de la vie puisqu’on ne souffre plus quand on est mort, améliore aussi la capacité à ressentir le plaisir physique que peut nous procurer notre corps. 

Accepter son corps, avec les inconvénients que cela implique, augmente l’intensité du plaisir. L’anorgasmie peut être traitée par des méthodes de prise de conscience du schéma corporel tout comme la « peur du dentiste ».

L’avantage des méthodes à approche psychologique du patient, est qu’il ressort grandi de son expérience  puisqu’ayant outrepassé sa peur, alors que l’anesthésie générale est un renoncement total, un abandon complet de son corps à la disposition d’autrui.

Il existe maintenant une autre alternative à la peur du dentiste qui est l’utilisation de l’analgésie par protoxyde d’azote (MEOPA). J’invite les lecteurs intéressés par le sujet à s’y référer en cliquant ICI!

Lisez aussi « La bouche et la dépression »: ICI!

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