Article remis à jour le 25/07/2020.
Lorsqu’il s’est développé à l‘apex d’une dent un kyste ou un granulome bien formé, on appelle cela une LIPOE (Lésion Infectieuse Périapicale d’Origine Endodontique). Il ne suffira plus alors de faire ou de refaire le traitement endodontique de la racine concernée, car il restera toujours un foyer bactérien qui continuera à évoluer pour son propre compte, même si le traitement endodontique est parfaitement réussi. Il faudra alors avoir recours à la chirurgie pour pratiquer l’exérèse des tissus infectés. Pour pouvoir cureter tout autour de la pointe de la racine infectée, il est nécessaire de couper la pointe de l’apex de façon à permettre le passage des curettes par l’arrière sans qu’il subsiste un angle mort. On essaye de retirer le moins possible de tissu radiculaire de façon à ne pas affaiblir la racine une fois que l’os se sera reconstitué après guérison totale. Cela s’appelle apicectomie ou résection apicale.
Le traitement de ces lésions apicales se fait donc en deux temps:
– le traitement endodontique radiculaire, ou sa reprise s’il est insuffisant.
– la cure chirurgicale de la lésion apicale.
Tout peut être fait dans la même séance, mais en ce qui me concerne je préfère que cela soit pratiqué en deux temps distincts espacés de quelques jours ou du jour au lendemain. Pour plusieurs raisons:
– chacune des deux opérations est longue et délicate, ça fait beaucoup pour le patient
– l’endodontie doit être réalisée parfaitement à sec: la digue protège de la salive mais pas du sang, il faut donc de toutes façons procéder en deux temps distincts
– Les deux interventions sont difficiles et nécessitent des compétences particulières, il vaut mieux avoir recours à deux praticiens spécialisés.
Etant spécialisé en chirurgie, je demandais donc que l’endodontie soit toujours faite avant: il est préférable que chacun connaisse ses limites et fasse ce qu’il sait faire le mieux et ce dans l’intérêt du patient.
Je ne peux donc pas donner des conseils sur la technique endodontique, mais je sais quelle est le résultat qui doit être obtenu pour mener à bien l’intervention chirurgicale. Le canal radiculaire doit être totalement étanche au niveau de l’apex de la dent infectée. Après le traitement endodontique plusieurs éventualités se présentent:
1° Le traitement endodontique a pu être réussi. La racine porteuse d’une lésion qui nécessite une cure chirurgicale a été parfaitement obturée, étanche, sans manque ni débordement. Il suffit donc de pratiquer la résection apicale et le curetage péri apical comme ce sera décrit plus loin. S’il y a un petit manque ou un débordement, cela pourra être corrigé par la chirurgie.
2°Le traitement endodontique n’a pas réussi en raison de difficultés techniques, canaux calcifiés, coudés, en baïonnette, ou il y a un instrument cassé dans le canal qui n’a pas pu être retiré.
Ou bien, le traitement endodontique n’a pas pu être fait car la dent est porteuse d’une prothèse fixe qui ne peut être déposée sans la destruction de tout l’édifice prothétique.
Dans ce cas, la simple intervention chirurgicale ne suffit pas car si on retire la lésion sans en supprimer la cause qui est l’infection par voie endodontique, la récidive est assurée.
Il faut donc procéder au traitement endodontique par voie rétrograde en même temps que la cure chirurgicale. En d’autres termes, il faut obturer le canal radiculaire par l’apex.
Nous allons donc décrire le deuxième cas qui est le plus complexe, le premier n’étant qu’une étape du second.
Après désinfection et anesthésie, nous étudions les divers tracés d’incision en fonction du contexte. La voie d’abord sera toujours préférentiellement vestibulaire pour des questions de visibilité. S’il n’y a aucune reconstitution prothétique sur la dent, ce qui est peu probable comme nous l’avons vu plus haut, on trace un lambeau angulaire classique.
C’est-à-dire que l’incision principale se fait le long des collets des dents, et le trait de décharge vertical en mésial de la lésion, pour laisser le maximum de visibilité, et surtout pour ne pas interrompre le sens de l’innervation et de la vascularisation qui viennent par voie distale. Bien sur on respectera la papille pour ne pas avoir de rétraction après cicatrisation.
Par contre, si la dent en question ou les dents voisines sont porteuses d’éléments prothétiques, on ne peut pas prendre le risque de décoller la gencive le long des collets car elle peut se cicatriser avec une légère rétraction qui serait très préjudiciable sur le plan esthétique. On fait donc le choix d’un lambeau trapézoïdal dont le trait horizontal se situera dans la gencive attachée, à un millimètre avant la jonction avec la muqueuse libre vestibulaire
S’il n’y a pas une fenestration de la table externe au niveau de l’infection, , ce qui est souvent le cas, on mesure sur un cliché long-cône sans déformation, la longueur exacte de la racine en cause, du bord libre à l’apex. Cette hauteur est reportée en bouche et marquée avec la pointe d’une sonde pour indiquer l’emplacement exact de l’apex à traiter. Avec cette même sonde, on pique la table alvéolaire externe en appuyant fort en divers endroits autour du point marqué: la plupart du temps il y a un point de faiblesse qui va laisser passer l’instrument. C’est là qu’il faut commencer à forer avec une fraise à os. Très rapidement la fraise va être guidée dans la cavité osseuse qu’il faut élargir progressivement en s’appuyant sur les bords. On commence le nettoyage à la curette de Lucas puis avec des curettes parodontales plus fines, et l’apex apparaît.
On procède ensuite à la section en biseau de l’apex à la fraise Zekria.
On termine le curetage avec une meilleure accessibilité.
Le canal est alors visible et on peut l’obturer de différentes manières
Le canal est nettoyé et alésé avec des inserts ultrasons
Un cas clinique: Une 24 porteuse d’un inlay core et d’une couronne céramique présente après 15 ans une lésion apicale due à une calcification du tiers apical du canal palatin incomplètement obturé. Intervention réalisée par le Dr. Guillaume Jouanny (Paris 16).
Un lambeau vestibulaire est ouvert et l’apex apparaît après nettoyage de la cavité osseuse.
Le canal élargi est obturé. A l’origine nous faisions cela avec de l’amalgame, puis avec de la gutta chaude puis avec du Silverseal. Dans les dernières années je faisais cela avec avec de l’IRM, EBA ou MTA.
L’autre technique consiste à vitrifier à très haute température au laser les tissus durs de l’apex de la dent pour fermer le canal radiculaire. Je n’ai aucune expérience de cette technique, donc je ne peux pas en parler et je ne sais pas non plus quelles conséquences l’échauffement de la racine peut avoir sur les différents tissus durs de la dent. Si des confrères ont une expérience de l’utilisation du laser en chirurgie endodontique, je serais très heureux de publier leurs opinions et photos dans ces pages.
La finition de l’intervention est routinière et classique, j’avais pour habitude de remplir les cavités osseuses avec des éponges de collagène avant de refermer pour mieux soutenir le lambeau, mais je ne suis pas certain que ce soit indispensable. En cas de très gros défaut osseux il est préférable de mettre un matériau de comblement osseux.
Il est préférable de prévenir les patients que ce type de chirurgie peut donner des hématomes importants à la face et autour de yeux qui peuvent durer 2 à 3 semaines. Ces hématomes sont généralement plutôt dus aux écarteurs qu’à l’intervention elle même: c’est donc l’aide opératoire qui doit avoir la main légère.
Les résultats à long terme sont excellents si l’obturation est bien étanche, l’os se reconstruit complètement autour de la racine.