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Dermatologie buccale et cancérophobie.

Mélanome de la face interne de la joue Dermis)

Article remis à jour le 18/03/2018.

Je n’arrête pas de répéter aux cancérophobes: » toutes les maladies de la bouche ne sont pas des cancers! »…

Internet est l’exutoire de toutes les angoisses (de mort) de l’espèce humaine! Quel être humain peut se vanter de ne jamais avoir été dans une angoisse folle en croyant avoir un cancer? Pas moi en tous cas!

Comme je l’ai souvent dit, la cancérophobie a du bon quand elle pousse à la prévention, mais quand elle tourne à l’obsession, elle paralyse et envahit la personne complètement, jusqu’à la dépression dont elle est d’ailleurs le symptôme. Ce n’est pas la peur du cancer qui pousse à la dépression, c’est la dépression qui engendre la cancérophobie.

On n’imagine pas le nombre de petits bobos de la bouche causes d’insomnies et de nuits blanches!

La majorité des petites lésions de la bouche ne sont pas des cancers, il y a tout un éventail de maladies dermatologiques de la muqueuses buccale, à tel point qu’il y a maintenant une spécialité qui est la DERMATOLOGIE BUCCALE.

Afin de calmer les angoissés qui lisent n’importe quoi sur internet, je vais y publier,  pour une fois, des informations sérieuses.

J’invite toutes les personnes intéressées par un diagnostic différentiel à lire tous les articles que j’ai publié dans la catégorie « DERMATOLOGIE BUCCALE ».

La cancérophobie.

Heureusement, les cancers de la bouche ne sont pas très fréquents, mais le chirurgien dentiste doit être formé pour pouvoir les diagnostiquer très précocement. Un cancer de la muqueuse buccale dépisté très tôt peut être traité par simple chirurgie et guérir définitivement. Bien sûr, un cancer guéri nécessite quand même une surveillance très attentive.

Il faut que les chirurgiens dentistes, s’ils veulent qu’on les prenne au sérieux, comprennent qu’ils ne sont pas là uniquement pour faire des implants et des céramiques, mais qu’ils ont aussi une responsabilité et un rôle à jouer dans la santé publique.

J’ai diagnostiqué un certain nombre de cancers durant ma carrière professionnelle, mais je n’y ai jamais touché; j’estime qu’un cancer ne doit être soigné que par un spécialiste oncologue, pour donner au patient le maximum de chances de guérison. Tous ont été diagnostiqués très précocement, sauf deux qui sont malheureusement venus me consulter trop tard. J’étais en relation avec une dermatologiste spécialisée en muqueuse buccale à qui j’adressais toutes les lésions que je jugeais suspectes et  qui, si elle le jugeait nécessaire faisait une biopsie. Elle même était en relation avec l’Institut Curie en cas de résultat positif. Le système a bien fonctionné et je pense que nous avons sauvé quelques vies.

Il faut 3 facteurs coexistants pour déclencher un cancer de la bouche:
   – le tabac
   – l’alcool
   – une irritation locale.

Mon patron appelait cela « la triade de Wescki », je ne suis pas sûr de l’orthographe, et n’en ai trouvé aucune confirmation nulle part.

Le tabagisme: ce n’est plus un scoop, tout le monde sait que le tabac est cancérigène, même les fumeurs le savent. Le problème pour eux est de pouvoir arrêter. Il est inutile et nocif pour eux de continuer à les culpabiliser, il faut plutôt les aider. Une attention toute particulière doit être donnée aux fumeurs ou anciens fumeurs de pipe, j’ai vu apparaître un petit cancer sous la langue chez un homme qui avait arrêté de fumer la pipe depuis 40 ans: la lésion était à peine apparente et une chirurgie simple a suffi à régler le problème. Quelle mémoire ont les cellules!!!

L’alcool: quand je dis l’alcool, je ne pense pas à l’alcoolisme, je parle tout simplement d’une consommation excessive de boissons alcoolisées, ce qui n’est pas si rare en France.

Les irritations locales: les prothèses traumatisantes, les blessures répétées par morsure ou rebord coupant, les caries non soignées, le  tartre, l’hygiène insuffisante, le tics de mordillement…etc…

ConclusionLA PREVENTION.
Vous allez dire que je radote, mais non! toute ma vie j’ai milité pour la prévention…et je continue même après ma retraite.
J’ai eu un grand nombre de patients fumeurs, je sais à quel point il est difficile d’arrêter, mais il faut au moins essayer; parfois le résultat peut surprendre  le patient lui même: il suffit que le moment soit venu!
Lorsqu’on n’est pas un grand alcoolique, il est parfaitement possible de contrôler sa consommation d’alcool. C’est plus facile que pour le tabac!!! Pour les éthyliques il existe des cures.
Quand aux irritations locales, il suffit de consulter régulièrement son dentiste et d’avoir une hygiène parfaite et ça, c’est à la portée de tout le monde! Pour ce qui est des prothèses traumatisantes, c’est au praticien de le signaler aux patients, et d’y remédier.
Toute lésion de la muqueuse buccale qui dure plus de 3 semaines mérite une consultation. Toute lésion douteuse doit être adressée à un spécialiste en Dermatologie Buccale.

Je pense qu’il faut prendre son destin en main. La cancérophobie n’aide en rien, c’est de l’énergie gaspillée. La prévention si! Il vaut mieux positiver la cancérophobie et la transformer en « préventomania »: ne laissez jamais aucun saignement d’où que ce soit, gencives, nez, oreilles, intestins, anus, vagin, urines, sperme, sans consulter pour en connaître la cause
– consultez pour toute ulcération qui dure plus de 3 semaines
– ne laissez jamais des blessures ou irritations répétitives où que ce soit
– faites des coloscopies pour enlever les polypes du colon
– pour les hommes, faites annuellement un toucher rectal de la prostate et un dosage sanguin de la PSA
– pour les femmes un contrôle gynécologique, un frottis vaginal et une mammographie tous les ans
– faites des contrôles dermatologiques de votre peau et faites retirer les grains de beauté; limitez l’exposition au soleil, utilisez des protecteurs solaires et habituez vos enfants à le faire
– prenez le HPV  au sérieux, en lui même il est bénin, certains génomes ont un potentiel dégénératif non négligeable
http://sante.gouv.qc.ca/problemes-de-sante/virus-du-papillome-humain-vph/
– contrôlez votre consommation d’alcool
– ne fumez pas
– ayez une alimentation équilibrée
Voilà un bon moyen de conjurer la peur du cancer!

Ceci dit, il existe quand même des cancers buccaux: les cancers muqueux sont plus faciles à détecter précocement car visibles .

Les Mélanomes.
Ce sont des  tumeurs malignes pigmentaires de la muqueuse qui sont heureusement  rares, et un diagnostic très précoce, qui est de la responsabilité du chirurgien dentiste, peut sauver le patient. Il peut apparaître sur n’importe quelle muqueuse. Il évolue vers des tumeurs « spinocellulaire » c’est à dire issues de la couche épineuse d’un épiderme. Les cancers spinocellulaires sont beaucoup plus agréssifs que le basocellulaire. Un diagnostic TRÈS précoce est la clef de guérison des patients.

Mélanome (dermis).

Remarquez que les taches sont en relief, ce qui n’est pas le cas des tatouages électrogalvaniques dûs aux métaux et qui ont un aspect sans relief.

coloration par sels métalliques

De même que les taches d’origine ethniques:

Taches d’origine ethnique.

Le mélanome est assymétrique et de forme irrégulière, ses bords sont mal délimités et sa coloration non homogène.

Lorsque le mélanome est plus évolué, son aspect est plus caractéristique.

Mélanome de la gencive (Dermis) remarquez le mauvais état de la denture, et les traces de nicotine.

Le carcinome basocellulaire.
Basocellulaire signifie qu’il est issu de la couche basale de l’épiderme. L’épithélioma basocellulaire est beaucoup moins agressif que le spinocellulaire. Il ne diffuse que tardivement, ce qui laisse une place de choix à la chirurgie.
Il apparaît surtout sur les lèvres chez les fumeurs et particulièrement sous la langue chez les fumeurs de pipe.

Carcinome basocellulaire de la lèvre. (maillon-faible1.blogspot.com)

Le cancer basocellulaire, n’est pas très virulent. Au stade T1 et T2, l’exérèse-biopsie complète suffit, sans autre traitement. Parfois un complément par radiothérapie est nécessaire.

Carcinome basocellulaire du frein de la langue chez un fumeur de pipe (dermis)remarquez le tartre et la nicotine.

Le carcinome épidermoïde ou CE.
C’est une tumeur spinocellulaire plus agressive. Certains états inflammatoires chroniques muqueux rares peuvent se transformer avec une relative fréquence: la leucoplasie de la lèvre du fumeur et le lichen érosif buccal.

Carcinome épidermoïde sublingual (maxillo-paris.com)

Le carcinome intraépithélial ou maladie de Bowen.
C’est une tumeur dont le siège peut être cutané ou muqueux :
• lésion croûteuse, jaunâtre, indurée avec ulcération centrale
• ou lésion végétante ou bourgeonnante
• ou l’association des deux.

Maladie de Bowen (campus.cerimes.fr)

Le traitement est l’exérèse totale suivie ou pas de radiothérapie.

Le sarcome de Kaposi.
C’est une tumeur liée au virus du SIDA et aussi au virus de l’Herpès type 8, et surtout à la conjonction des deux.

Sarcome de Kaposi des gencives (le courrier du dentiste).

A ne pas confondre avec un angiome

Ici un angiome à ne pas confondre avec un sarcome de Kaposi.(eid-paris.com)

Ni avec la maladie de Laugier-Hunziker qui donne des taches sur les ongles

Maladie de Laugier Hunziker (dermaamin.com)

Le traitement est varié en fonction de la taille de la lésion: chirurgie, laser, chimiothérapie dans la lésion, radiothérapie …etc…

Comme je l’ai dit, le diagnostic précoce de toutes ces lésion est un gage de bons résultats. J’espère que cette exposé aidera praticiens et patients à faire un diagnostic différentiel. Il faut rester vigilant, tout en n’affolant pas le patient inutilement.

Voila, par exemple, une morsure de la langue parfaitement bénigne. (eugenol.com)

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