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La tronculaire: technique, indications et contre indications.

Article remis à jour le 18/03/2017.
L’anesthésie régionale tronculaire à l’épine de Spynx en question.

Voila la question qui m’est posée:
« Bonjour docteur,
je suis actuellement étudiant à la faculté d’odontologie et une question est tombée à l’examen sur les indications/contre indications de l’anesthésie tronculaire et sur les avantages/inconvénients de ce même type d’anesthésie. Les professeurs ne voulant pas corriger les examens avec nous, pourriez vous m’éclairer?
Merci beaucoup par avance. »

Je reprend donc l’article sur l’anesthésie régionale déjà publié et je complète ce qui manque.

Personnellement je ne connais pas de contre indication à l’anesthésie tronculaire du nerf mandibulaire au foramen mandibulaire, et j’en ai certainement fait des millions en 45 années, sans jamais aucun problème. Suite à cette question, je me suis livré à une petite enquête sur internet et n’ai rien trouvé à ce sujet. On peut donc conclure qu’il n’y  a pas de contre indication.
Toutes les contre indications qui me viennent à l’esprit sont des contre indications dues aux vasoconstricteurs, mais j’ai toujours recommandé de pratiquer l’anesthésie à l’épine de Spix  sans vasoconstricteur…

La question se résume donc aux indications de l’anesthésie régionale du nerf mandibulaire, anciennement appelé nerf dentaire inférieur, et nouvellement appelé nerf alvéolaire inférieur. Et plutôt que des contre indications, nous parlerons des risques d’accidents.

L’anesthésie régionale s’appelle « tronculaire » car elle concerne un tronc nerveux et non pas de simples extrémités nerveuses. La plus utilisée par les odontologistes est la tronculaire à l‘épine de Spyx qui touche le nerf mandibulaire à son entrée dans la face interne de la branche montante mandibulaire dans le foramen mandibulaire.
L’aiguille utilisée est une aiguille bi-pointes siliconée à triple biseau de 40 mm de long toujours pour un diamètre de 0,36 mm. La seringue est une seringue à carpules comme pour l’anesthésie locale, avec un tire bouchon et des anneaux pour les doigts de façon à pouvoir aspirer.

Pour bien réussir cette anesthésie, il suffit de prendre de bons repères. Avec l’index de la main gauche (si l’on est droitier) posé sur les molaires du côté à anesthésier, on repère le rebord antérieur de la branche montante au travers de la muqueuse buccale. On pique un point qui se situe 1 cm  plus haut que le doigt et 2 cm plus à l’intérieur, en orientant la seringue sur un axe passant par la première prémolaire inférieure du côté opposé. On enfonce l’aiguille jusqu’au contact osseux, on injecte un peu d’anesthésique pour ne pas faire mal et on cherche avec l’aiguille le trou osseux; on doit alors sentir qu’on a perdu le contact osseux car on se trouve alors dans le foramen mandibulaire. On enfonce l’aiguille un peu plus profond. On aspire pour voir s’il y a du sang  et on  injecte la quasi totalité de la cartouche. On injectera le reste en ressortant à quelques millimètres de la surface de la muqueuse pour toucher aussi le nerf lingual qui passe par là.

Le point d’impact de la tronculaire? (club scientifique dentaire)

La région étant très vascularisée, il y a un risque d’injection intra-vasculaire. Il est donc recommandé d’utiliser une seringue à tire-bouchon avec un anneau pour le pouce pour pouvoir faire une aspiration avant d’injecter pour s’assurer qu’il n’y a pas de remontée de sang.

Sinon, il vaut mieux utiliser un anesthésique sans vasoconstricteur pour ne pas prendre le risque d’injecter un vasoconstricteur directement dans le circuit sanguin, qui pourrait provoquer une vasoconstriction des vaisseaux coronaires cardiaques, ou un pic d’hypertension.
En réalité il y a une deuxième raison à ne pas utiliser de vasoconstricteur: le vasoconstricteur à pour but d’empêcher la diffusion trop rapide de l’anesthésique; et dans le cas de la tronculaire, on a intérêt à ce qu’il diffuse pour atteindre le nerf mandibulaire derrière la lingula de l’épine de Spyx.

INDICATIONS

Les indications sont multiples, et lorsqu’il maîtrise bien cette technique, le praticien est appelé à l’utiliser plusieurs fois par jour. En effet, si l’anesthésie para apicale marche parfaitement pour les dents du haut, où l’os est très spongieux, il n’en est pas toujours de même à la mandibule, où l’os est très dense et la corticale osseuse très calcifiée.
La « tronculaire » est donc indiquée dans tous les cas où il faut anesthésier les dents postérieures inférieures. Précisons toutefois que si elle peut parfois suffire pour les soins conservateurs, elle est insuffisante pour la chirurgie et doit être complétée par une anesthésie  locale.
Elle peut être indiquée aussi pour réduire un trismus ou pour faire le diagnostic d’une névralgie de la troisième branche du trijumeau, le nerf mandibulaire.

RISQUES ET ACCIDENTS

Nous allons jouer à un petit jeu, et demander à l’étudiant qui a posé cette question de traiter ce paragraphe, puisque c’était sa question d’examen!
Réponse du (futur) Dr. Marc GAUDIN:
Rappelons quand même qu’environ 10 à 15% des tronculaires échouent, probablement par manque de technique de l’opérateur.
Aux alentours de 5% des patients sentent une décharge électrique à la pénétration de l’aiguille.
Le principal risque me venant a l’esprit est au final le risque de léser le paquet vasculo-nerveux. En effet, la proximité avec l’artère alvéolaire inférieure avec le nerf du même nom avant qu’il ne pénètre dans le foramen mandibulaire, et le nerf lingual qui reste en surface sur une grande partie de son trajet, peut entraîner un risque de lésion nerveuse ou un risque hémorragique. Le traumatisme vient de l’aiguille  et pratiquement jamais de la toxicité de l’anesthésique. L’utilisation de seringues à aspiration élimine le risque d’injection intra-vasculaire.
Ensuite, l’anesthésie tronculaire permettant une anesthésie labiale et jugale prolongée, cela peut engendrer quelques désagréments en post opératoire comme par exemple augmenter le risque de morsure des muqueuses. Ce qu’il faut surtout noter à ce sujet, c’est la contre indication d’une double anesthésie tronculaire des deux côtés à la fois entraînant une perte totale de sensibilité de la langue.
D’après les études qui varient, entre 1/27.000 et 1/160.000 tronculaires donnent une prolongation de l’anesthésie toujours réversible en un délai maximum de 10 semaines.
L’anesthésie tronculaire reste la technique de base pour l’anesthésie du bloc postérieur mandibulaire. Il faut tout de même garder a l’esprit ces différents risques et accidents possibles afin de pouvoir réagir intelligemment et dans la sérénité à tout imprévu.
L’expérience montre que la très grande majorité, pour ne pas dire la totalité des accidents des tronculaires sont réversibles. Mais il ne faut pas oublier d’avoir recours aux corticoïdes pour améliorer le pronostic et les possibilités de récupération.

Après cette brillante réponse, je conclurais que le seul véritable accident, extrêmement rare, et je n’en ai jamais vu en 40 ans d’exercice, est la nécrose totale ou partielle du nerf mandibulaire ou du nerf lingual.

Et un grand bravo à M. Gaudin!

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