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L’occlusion antérieure inversée.

Un groupe d’étudiants de la « Faculté de Médecine Ziania, Ben Aknoun, à Alger » m’a demandé des informations sur un exposé qu’ils devaient faire sur « l’articulé inversé ». J’ai répondu que ce n’était pas trop ma spécialité et que s’ils s’y mettaient et écrivaient quelque chose d’intéressant, je le publierai. Je trouve le résultat de leur travail très formateur, pouvant servir à d’autres étudiants, et c’est donc avec un grand plaisir que je le mets à disposition de tous.

Voici les noms de ces étudiants:
-Grine Sarah qui m’a contacté et a assuré la liaison
-Bella Cylia
-Chetioui Sarah
-Tira Lotfi
-Mansouri Issam
-Bouabdallah Oussama

Ils ont puisé leurs sources dans l’Encyclopédie Médico Chirurgicale et dans le livre « Orthopédie Dento-Faciale de Francis Bassigny.

Introduction :

L’occlusion inversée des  antérieures s’appelle aussi articulé croisé. Il s’agit d’une inversion du recouvrement des dents dans le sens sagittal (antéropostérieur, les incisives et canines inférieures  recouvrant les supérieures.)

Cela correspond à la classe III dans la classification d’Angle. Dans cet exposé nous ne parlerons pas de l’occlusion croisée aux molaires, c’est-à-dire dans le sens frontal(latéral).
Ceci peut concerner tout le groupe incisivo-canin ou alors une seule dent. Il a de multiples expressions anatomiques: la prognathie mandibulaire, la rétrognathie maxillaire ou association des deux (qui sont des décalages des bases osseuses : la classe III squelettique), ou rétroalvéolie supérieure, proalvéolie inférieure, ou simplement un articulé inversé sans décalage osseux ou alvéolaire (palato-version des incisives supérieures et vestibulo-version des incisives inférieures qui peuvent être associées ou isolées) (classe I squelettique). Statistiquement c’est l’anomalie la moins fréquente mais d’un retentissement esthétique important.

L’anomalie la plus fréquente est la rétrognathie maxillaire et non, comme on le pensait auparavant, la prognathie mandibulaire. Cette anomalie, pour les cas sévères, commence à se voir à un âge très jeune.

Le diagnostic de cette anomalie est clinique, et confirmé par la radiographie.

Il y a incontestablement souvent une cause héréditaire, mais les fonctions jouent un rôle déterminant

Définitions

 Définition de la classe III : les malocclusions de la classe III correspondent à un ensemble hétérogène dont les caractéristiques communes sont une mésioclusion plus ou moins accentuée des premières molaires inférieures, un profil concave et, en général, une occlusion inversée au secteur incisif. Les dysmorphoses squelettiques associées affectent soit la mandibule, soit le maxillaire, soit les deux maxillaires à la fois. A ces anomalies morphologiques, peuvent s’adjoindre des anomalies cinétiques, ou plus rarement latérodéviation.

Cette anomalie est souvent le point de départ de la prognathie vraie, souvent associée à une proalvéolie inférieure ou rétroalvéolie supérieure.

Cette manœuvre consiste à faire fermer le patient en RC ; elle permet d’obtenir une position de la mandibule plus rétrusive minimisant les relations dentaires avec classe I molaire et bout à bout incisif. En cas de prognathisme mandibulaire vrai, la manœuvre n’aboutit pas (c’est-à-dire persistance de l’articulé inversé antérieur et de la classe III molaire) ; dans ce cas on dit qu’elle est négative. La manœuvre de Nevrezé est considérée comme positive si l’on obtient au moins le bout à bout incisif.

 

Mise en évidence des prématurités :

  1. a) En denture mixte :

– Au niveau des canines de lait : toute canine temporaire n’ayant pas subi une abrasion physiologique, constitue l’un des signes d’une latéro-déviation ou d’un proglissement mandibulaire.

– Incisive centrale ou latérale en linguocclusion : ces malpositions localisées entraînent très fréquemment un proglissement.

  1. b) En denture adulte : prématurité au niveau des dents de 12 ans ou à d’autres niveaux.

Le diagnostic de la classe III est un diagnostic clinique.

a/ De face :

La partie moyenne du visage est plate, elle ne s’est pas développée. Le patient n’a pas de joues, la région paranasale ou nasogénienne est creuse, c’est le signe quasi pathognomonique de l’arrêt de développement maxillaire.

La lèvre supérieure est fine, blanche et peu marquée, la lèvre inférieure rouge, épaisse et éversée, le nez est plutôt petit, les orifices narinaires apparents. Seule la partie inférieure du visage a du relief.

Dans un tiers des cas, le parent qui accompagne l’enfant est lui-même prognathe !

 

b/ De profil :

La région sous-orbitaire, les pommettes, apparaissent en recul, sans relief. Le pli nasogénien est très marqué. La rétrusion de la lèvre supérieure est nette, elle est fine avec peu de vermillon, alors que la lèvre inférieure, rouge, est éversée et proéminente, le profil cutané est concave.

 

a/ Vue de face :

L’occlusion incisive est souvent inversée avec tendance à l’inversion de l’occlusion canine, prémolaire ou molaire uni- ou bilatérale. Quelquefois, les incisives latérales maxillaires seules peuvent être palatines, avec vestibuloversion compensatrice des incisives centrales supérieures.

Plus souvent, les incisives mandibulaires sont en linguoversion, sauf quand une pulsion linguale vestibule fortement celles-ci.

L’arcade maxillaire est étroite, ogivale, l’arcade mandibulaire est large et arrondie, qui est le lit de la langue.

Il faut bien différencier ici l’occlusion inversée de l’occlusion de convenance qui, de bout à bout, glisse en occlusion inversée.

b/ Vue latérale :

L’occlusion canine est de classe III d’Angle. Les pointes cuspidiennes des canines, surtout mandibulaires, ne sont pas abrasées car elles ne sont pas fonctionnelles.

L’occlusion molaire est en classe III d’Angle.

Cet examen est fondamental ; ce sont les anomalies de posture et les dysfonctions qui sont à l’origine des troubles squelettiques.

 

a/ Postures :

Au repos, on peut trouver l’absence de stomion.

 

Le voile peut être atone et érythémateux ; il peut être plus vertical que normalement. Les amygdales sont souvent hypertrophiques.

 

La langue au repos est le plus souvent basse. La pointe de la langue est située en arrière des incisives mandibulaires, de volume important.

 

Il faut examiner la façon dont la tête est portée par le rachis.

Certains enfants ayant du mal à respirer par le nez avancent plutôt leur mandibule. Souvent la tête est « dans les épaules », penchée en avant ; le cou est court.

 

b/ Fonctions orofaciales de ventilation, de mastication et de phonation :

La ventilation est le plus souvent buccale, l’enfant a le visage typique du « respirateur buccal ».

 

La déglutition atypique, la dynamique linguale est basse, avec apex lingual se positionnant en arrière des incisives mandibulaires, ou entre les arcades dentaires.

 

Elle sera examinée brièvement car il ne semble pas que son trouble soit responsable d’apparition de dysmorphie squelettique (contrairement à la déglutition). La phonation peut être normale, mais souvent un trouble phonétique qui disparait spontanément après le traitement.

On demande la téléradiographie de profil et éventuellement de face si l’on soupçonne un problème d’asymétrie.

On se base essentiellement sur les valeurs données par SNA et SNB :

On peut conclure que les classes III sont soit de cause héréditaire, soit de cause fonctionnelle ou intrication des deux

 

« La prognathie inférieure est la mieux connue des malformations héréditaires ».

Elle consiste à appliquer des forces sur le menton pour freiner un développement vers l’avant de celui-ci. Pour les cas de  prognathie mandibulaire précoce, souvent observée dès l’âge de 3-4 ans, la force des élastiques sera progressivement augmentée pour s’arrêter au seuil de tolérance de l’enfant. Ce dispositif sera porté uniquement la nuit, pendant 6 mois voire 1 an.

La correction de l’articulé est obtenue en 4 à 6 mois et elle est stable.

Elle est indiquée dès que l’on voit une inversion de l’articulé incisif chez un enfant très jeune (1 à 4 ans).

Dans la plupart des cas, c’est la thérapeutique de choix de la classe III. Elle consiste en l’application d’une force orthopédique postéroantérieure sur un appui facial antérieur, par l’intermédiaire d’élastiques reliés à un double arc interne scellé sur les premières molaires maxillaires.

Appareil externe : le masque

Le plus classique est fait d’un appui frontal relié à une mentonnière par des tiges métalliques latérales. Au niveau de la ligne commissurale, est soudé un arceau qui permet d’accrocher les élastiques.

Les élastiques seront mis en charge de chaque côté. Un élastique est actif quand il est étiré 3 fois sa longueur ; on mesure la distance entre l’ancrage intraoral et le masque ; en la divisant par 3 on obtient la taille de l’élastique nécessaire.

La force sera faible : environ 150 à 200 g de chaque côté pour un enfant de 5 ans, et de 300 à 400 g de chaque côté pour un enfant plus âgé.

Le port sera uniquement nocturne.

Si l’on agit avant 6 ans, le déplacement est extrêmement rapide. Chez ces jeunes enfants, la durée moyenne de traitement est de 6 mois ; chez les enfants plus âgés, elle sera en moyenne de deux semestres, voir trois semestres si l’on commence à 11-12 ans,

Le masque, s’il est bien porté, est toujours efficace.

Certains auteurs préconisent la disjonction car elle a l’avantage de potentialiser les effets du masque.

La disjonction a en outre beaucoup d’avantages :

L’appareil utilisé est un disjoncteur sur quatre bagues auquel sont soudés des crochets dans la région antérieure, c’est-à-dire sur les bagues prémolaires.

La disjonction est faite sur 1 ou 2 mois, avec activation de l’appareil le soir par les parents.

 

Les tractions intermaxillaires de classe III sur arcs bibagues maxillaires et mandibulaires.

Ces tractions n’ont évidemment qu’une action alvéolaire,

 

Si les latérales supérieures sont lingualées.

Le traitement multi-attaches agit sur les éléments dento-alvéolaires, mais pas sur les bases osseuses. Il n’y donc pas d’indication de traitement multi-attaches dans les classes III avant la fin de la croissance. Le problème du décalage des bases osseuses ayant été résolu, on peut se retrouver en classe I squelettique, avec des malpositions dentaires qu’il faudra traiter de façon classique en technique multi-attaches.

 

Si l’enfant est venu trop tard, si la thérapeutique par masque a été un échec, si le décalage des bases squelettiques est important de même que le déficit esthétique, il faudra adresser le patient en consultation de chirurgie maxillofaciale.

Le travail de l’orthodontiste sera alors de préparer les arcades dentaires pour l’intervention et de supprimer éventuellement les compensations alvéolaires existantes.

 

Sont indiquées dans le cas de dysharmonies dento-maxillaires avec macrodontie. Il faudra alors extraire des 1ères prémolaires inférieures et fermer les espaces à l’aide d’un traitement multiattaches.

Exceptionnellement, on peut extraire une incisive inférieure, chez l’adolescent ou l’adulte jeune (quand le masque n’a plus beaucoup d’action) ; ceci ne doit jamais être fait chez l’enfant.

 

Si le traitement orthopédique et la rééducation des fonctions orofaciales ne donnent pas les résultats escomptés, il ne faut pas hésiter à faire appel à la chirurgie.

Cette chirurgie peut concerner :

 

Serré, il empêche la montée de celle-ci au niveau du palais, associé à une rééducation ou à un élévateur lingual nocturne.

 

Devra être effectuée par un ORL.

 

Une glossoplastie de réduction pourra être indiquée.

Dans le cas d’une inocclusion labiale au repos ou de fermeture labiale avec crispation des muscles labiomentonniers. Elle permettra de retrouver un contact bilabial nécessaire pour la stabilité de la correction effectuée.

 

Dans les fentes labio-maxillo-palatines sont indiquées toutes les interventions pouvant améliorer les postures, les fonctions : des muscles des lèvres, de la langue, du voile et du pharynx, la ventilation nasale et la mastication.

 

La chirurgie peut être présentée aux parents comme un ultime recours en cas d’échec du traitement orthopédique.

Amoric décrit une « gouttière réciproque » d’avancement incisif et de recul de l’arcade mandibulaire. Il s’agit d’une force extraorale fixée sur une gouttière mandibulaire thermoformée, qui présente un dispositif antérieur sur lequel sont accrochés des élastiques reliés à un sectionnel, fixés sur le groupe incisif supérieur. L’action est alvéolaire, l’indication est peut-être vers 12-13 ans.

 

Elle permet de repositionner remarquablement la langue et donc de réactiver la croissance des maxillaires.

Permet la posture haute de la langue

 

Le plus tôt possible en denture temporaire

Aujourd’hui, tous les auteurs qui se sont intéressés au traitement des classes III disent qu’il faut agir très tôt (vers 3 ou 4 ans).

Tout simplement parce que, dans le jeune âge, les anomalies installées sont peu importantes. Elles sont donc plus faciles à réduire.

 

La période idéale est donc la denture temporaire. Il faut traiter dès que l’on voit l’enfant.

Ensuite, une fois le résultat acquis, il faudra surveiller l’enfant 2 fois par an, jusqu’à la fin de sa croissance.

Après 13-14 ans, il ne semble pas que l’on puisse obtenir des actions maxillaires. On obtiendra habituellement des adaptations alvéolaires.

S’il y a un déficit esthétique, il est préférable alors d’avoir recours à la chirurgie.

 

a/ Si le problème est alvéolaire :

Toutes les thérapeutiques fonctionnelles citées plus haut sont efficaces. le fait de normaliser la position de la langue va réduire les malpositions du rempart alvéolaire. En effet, en position haute, la langue va développer le maxillaire. Comme elle quitte son lit lingual, la proalvéolie inférieure globale et les versions incisives peuvent spontanément disparaître.

b/ Si le problème est squelettique :

Dans les classes III, il y a beaucoup d’insuffisance maxillaire ; c’est donc l’indication de choix des tractions postéro-antérieures sur masque.

Toutes les classes III.

Plus tôt elles seront traitées, meilleur sera le résultat.

 

Il faut une surveillance régulière, environ 2 fois par an. Le traitement n’aura été arrêté qu’en hypercorrection et en essayant d’avoir obtenu la normalisation de toutes les fonctions.

Surveiller minutieusement la croissance.

S’il n’y a pas de déficit esthétique, on peut finir le cas orthodontiquement.

Si le déficit esthétique est marqué, il ne faut pas hésiter à faire appel à la chirurgie. Ceci est devenu dans notre pratique une exception.

 

Pronostic favorable : plus on intervient chez l’enfant jeune, plus on obtient de bons résultats c’est la clef de la réussite

 

Pronostic défavorable en présence de quelques signes :

 

Agir tôt, c’est prévenir l’aggravation de la maladie, c’est profiter de la flexibilité du génome, c’est prévenir l’intervention chirurgicale à l’âge adulte. N’est-ce pas jouer pleinement son rôle de médecin en faisant de la médecine préventive ?

Nous ne pouvons que remercier ce groupes d’étudiants pour l’excellent travail qu’ils ont fait, et qui va profiter à bien d’autres.

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