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Faut-il extraire les dents dévitalisées?

Remis à jour le 12/07/2018.

Faut-il extraire les dents dévitalisées?

Cette question me paraît tellement incongrue que j’ai longtemps hésité à la poser, mais il faut y répondre : trop d’idées fausses circulent sur internet, il faut faire le point sur le sujet de façon sérieuse.

Tout d’abord je voudrais préciser une chose: dévitaliser une dent est un échec, c’est parce que nous ne savons pas (encore) faire autrement que nous dévitalisons une dent. L’idéal serait de pouvoir soigner la pulpe, ou de pouvoir greffer du tissu pulpaire lorsque celle-ci est endommagée. Mais nous ne savons pas encore le faire, espérons que ce sera pour bientôt. Evidemment, l’homme a cherché d’abord à apprendre à greffer un cœur ou un rein plutôt qu’une pulpe dentaire.

Mais puisque nous avons plus ou moins appris à prolonger la vie, il va falloir aussi préserver la qualité de la vie.
Le vieillissement et les dégénérescences nerveuses arrivent plus vite chez les édentés, les pertes de mémoire aussi.
Laisser des dents extraites non remplacées affecte la posture et peut créer toutes sortes de douleurs cervicales ou dorsales, ou et surtout, des problèmes d’articulation temporo-mandibulaires.
Voir ICI.

L’édentation, partielle ou totale est un véritable fléau de l’humanité et doit être considérée comme telle.

POURQUOI DÉVITALISER UNE DENT?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord expliquer ce qu’est une dent vivante: la dent possède une pulpe, dans cette pulpe il y a des nerfs et des des vaisseaux sanguins; de la pulpe partent les fibrilles nerveuses (fibrilles de Tomes) qui innervent la dentine. La dentine est donc sensible au contact et aux variations thermiques. La dent est vivante.

Pour tester la vitalité d’une dent, on la soumet au froid et chaud: si elle fait mal, c’est qu’elle est vivante. Mais si elle ne réagit pas, cela ne veut pas forcément dire qu’elle est morte, elle peut être très calcifiée, la pulpe rétractée est difficile à faire réagir. Il faut alors utiliser des impulsions électriques. et même  là encore, il arrive qu’une dent vivante ne réagisse pas. Il faut alors, en dernier recours, faire un test à la perforation: on commence à percer la dent bien au centre au creux d’un sillon, et on arrête à la moindre sensation. On a alors la certitude que la dent est vivante: on rebouche la cavité. Si on arrive jusqu’à la cavité pulpaire sans aucune douleur, c’est que la dent est morte: on continue la trépanation et on procède au traitement radiculaire.

Attention! une dent peut être sensible, voire même très douloureuse, tout en étant morte. Cette sensibilité là est au contact, à la pression ou à la percussion. Ce sont les nerfs du ligament alvéo-dentaire, le desmodonte, qui réagissent.

L’inflammation de la pulpe donne une pulpite. L’afflux de sang dans la cavité pulpaire qui ne peut pas se dilater comprime fortement le nerf et provoque la rage de dent que tout le monde redoute par dessus tout.

La pulpite est généralement due à une carie profonde, mais elle peut aussi être accidentelle ou  le résultat d’un traumatisme brutal ou d’un micro-traumatisme répété, par surcharge occlusale, bruxisme ou autre tic, ou utilisation abusives des dents (électriciens, couturières etc…) à des fins pour lesquelles elles ne sont pas prévues.

La pulpite peut venir d’un problème parodontal qui s’est infiltré jusqu’à la racine de la dent et déclencher une pulpite « a retro« .

Généralement la pulpite au stade douloureux est irréversible et nécessite l’amputation de l’organe pulpaire et un traitement endodontique. Il en est de même pour la mortification pulpaire.

On peut aussi être amené à dévitaliser une dent saine pour la pose de prothèses fixes, et là c’est vraiment dommage: il faut privilégier les implants chaque fois que c’est possible.

Tout traitement endodontique doit aboutir à une obturation canalaire totale et étanche: tout manquement à cette règle amènera fatalement, tôt ou tard, à des complications locales ou à distance plus ou moins graves.

Malgré tout, il vaut toujours mieux conserver un dent vivante chaque fois que ce sera possible.

ALORS, FAUT IL EXTRAIRE LES DENTS MAL DEVITALISÉES?

Voila la vrai question qu’il aurait fallu poser dès le début! Car évidemment, il ne faut pas extraire les dents qui ont subi un traitement endodontique convenable.
Ma réponse est « non »il ne faut pas extraire systématiquement les dents mal obturées, il faut faire reprendre les mauvais traitements endodontiques  par un endodontiste qualifié et compétent.
En cas d’échec définitif, là se posera la question de l’extraction.

Extraire une dent est un acte définitif et irréversible. Il faut bien réfléchir avant de le faire. Chez certains patients atteints de cardiopathies valvulaires, nous savons depuis longtemps que les dents suspectes à traitement endodontique incomplet doivent être extraites, mais devant les inconvénients des édentations massives, on hésite de plus en plus à extraire les dents correctement traitées.

Certains patients qui se font extraire leur dents dévitalisées ne voient pas d’amélioration de leur état de santé et sont déçus avec aucune possibilité de retour en arrière. Ils se retrouvent avec les mêmes problèmes, plus les problèmes de l’édentation.

Quel que soit le mode de remplacement, il y a toujours des inconvénients souvent supérieurs à ceux des dents dévitalisées:
– les prothèses mobiles ne sont pas toujours confortables, lèsent les dents supports de crochets, et accélèrent la résorption de l’os alvéolaires. Les matériaux utilisés sont souvent remis en cause.
– les prothèses fixes mutilent les dent supports et les matériaux sont aussi sujet à discussion
– les implants n’ont pas l’élasticité des dents et utilisent aussi des métaux dont les sels peuvent diffuser dans l’organisme.

Il vaut mieux une dent bien dévitalisée que pas de dent!
Ne pas remplacer les dents absentes aboutit à des catastrophes sur la denture.

La véritable réponse est de ne pas en arriver à dévitaliser des dents; il faut dès l’enfance avoir une hygiène dentaire et alimentaire qui ne laisse pas apparaître de carie. Et consulter un dentiste 2 fois par an pour détecter les caries dès leur apparition. Les pédodontistes sont beaucoup mieux préparés à soigner les enfants et il ne  faut pas hésiter à les leur confier. Les dents de lait dévitalisées qui ne sont pas infectées ne doivent pas être extraites prématurément.
Il faut faire des traitements orthodontiques précoces pour éviter les malpositions qui favorisent les caries par difficulté d’hygiène.

Conclusion

Il ne fait aucun doute que les dents dévitalisées mal obturées présentent un danger pour la santé. Mais il y a d’autres solutions avant d’envisager l’extraction.

Quand au risque de cancer dû aux dents dévitalisées, je n’ai lu aucun article sérieux à ce sujet. Celui qui circule partout en ce moment sur internet est complètement fantaisiste et ne fait référence à aucune étude de recherche comparative statistique sur des échantillons valables de sujet sains ayant des dents dévitalisées..

Je voudrais aussi en profiter pour régler son compte à une phrase qui traîne sur internet et qui est totalement fausse:  » une dent dévitalisée est un corps mort planté dans l’os maxillaire ». C’EST FAUX! La dent vit de deux manières, par la pulpe et par le desmodonte (ligament alvéolo-dentaire). La dévitalisation ne concerne que la pulpe, le desmodonte reste vivant. L’ implant est un corps mort, mais il interagit avec un os vivant et réactif: l’os alvéolaire. Il ne faut pas oublier que l’os alvéolaire disparaît avec la dent et le desmodonte, l’implant le sauvegarde!

Il faut changer les mentalités du grand public et des autorité de santé.

Malheureusement les systèmes de protection sociale ne remboursent pas assez bien les traitements endodontiques, qui sont beaucoup plus longs et beaucoup plus difficiles que les actes de prothèse. Il s’en suit une désaffection des praticiens pour l’endodontie qui la font mal ou délèguent à des endondontistes spécialisés, qui, bien sûr vu le temps qu’ils y passent et le manque à gagner de la prothèse, appliquent souvent des tarifs prohibitifs.
Les Mutuelles doivent mieux prendre en charge les traitements endodontiques, pour qu’ils soient accessibles à tous et faire ainsi l’économie de prothèses, beaucoup plus onéreuses quelles qu’elles soient.

La profession et les pouvoirs publics doivent  prendre conscience qu’il faut revaloriser les soins conservateurs aussi bien au niveau du prestige que sur le plan financier, et cesser de mettre en valeur la prothèse qui n’est après tout que  le résultat de l’échec de la dentisterie.

L’édentation des « sans dents » est une dégradation de l’être humain et un vrai problème de santé publique, pas seulement une plaisanterie pour journalistes et politiciens.

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